Oscar Pistorius a toujours passionné l'Afrique du Sud. En tant que sportif qui a su surmonter son handicap et affronter ceux qui sont valides. Et depuis peu pour son accusation d'assassinat. Toute l'Afrique du Sud en parle, les juges principalement en ces termes, alors que lui récuse cette accusation. Mais une telle affaire soulève une toute autre question, celle des armes, et d'une manière générale, celle plus globale de la violence que les spécialistes imputent aux conditions de vie et à l'absence de perspectives dans un pays qui vient de franchir le seuil restreint des pays émergents. Pour beaucoup, l'Afrique du Sud, aujourd'hui, est un grand corps malade avec l'ANC (African national congress) qui semble usé par le pouvoir qu'il détient depuis 1994. En près de deux décennies, il n'a pas su ou pu apporter les réponses que se posent les Sud-Africains que le Président explique par des considérations historiques. Et pour beaucoup, de telles disparités constituent une véritable bombe à retardement. Où en est, se demande-t-on, le principe même de démocratie qui suppose l'égalité de chances ? La question peut paraître difficile, tant elle est liée aux conditions d'élaboration de la Constitution post-apartheid, comme l'a reconnu le président Jacob Zuma, et en aval, la question de la propriété, les Blancs minoritaires détenant l'essentiel des terres et des moyens de production. A ce débat sont opposés des chiffres qui laisseraient croire le contraire. Effectivement, le revenu moyen des foyers noirs a augmenté de 169% en dix ans, mais les Blancs gagnent toujours en moyenne six fois plus que leurs compatriotes de couleur, selon les résultats du recensement réalisé en 2011 et dévoilés il n'y a pas si longtemps. Ces statistiques indiquent que plus de deux millions de personnes, presque exclusivement noires, vivent toujours dans les bidonvilles à la périphérie des grandes villes. Les chiffres du chômage montrent également une forte disparité raciale, avec près de 50% de sans-emploi chez les Noirs contre 10% environ chez les Blancs. En revanche, le nombre de ménages noirs propriétaires de leur logement a augmenté de plus d'un million depuis dix ans. Les propriétaires noirs représentent désormais 4,9 millions des 6 millions de propriétaires sud-africains. Une situation que ne pouvait occulter le président Jacob Zuma en appelant il y a huit mois à une «deuxième transition» dans son pays pour remettre le pouvoir économique à la majorité noire. «La structure de l'économie de l'apartheid est restée largement intacte», avait lancé le chef de l'Etat en ouverture d'une conférence nationale de l'ANC à Johannesburg en juin 2012 : «La propriété de l'économie est toujours principalement aux mains des Blancs.» Pour M. Zuma, la preuve qu'il est urgent de changer de braquet économique est «le niveau de frustration élevé et compréhensible dans certaines communautés». C'est pourquoi M. Zuma a souligné que «l'ANC doit démocratiser et ‘'déracialiser'' la propriété et le contrôle de l'économie en donnant du pouvoir à la communauté africaine et noire en général». Et d'avertir que «si nous ne traitons pas de façon décisive la question des inégalités raciales, de la pauvreté et du chômage, notre démocratie sera en grand danger». Comment alors y remédier ? Renégocier les lois du pays, citées par le chef de l'Etat, mais est-ce possible, alors même que l'ANC perd ses élites pour des raisons liées à l'exercice du pouvoir ? Autant de questions qui se posent avec insistance.