Les Italiens votent pour le deuxième jour consécutif, avec l'espoir que leur pays ne connaîtra pas le sort de la Grèce. Endettée et éclaboussée par les scandales de corruption, la vieille péninsule espère juste éviter la faillite. Rome De notre correspondante Dès ce soir, les premiers résultats du vote seront connus. Les Italiens devront renouveler leur Parlement (Chambre des députés et Sénat), soit la majorité qui gouvernera le pays pour les prochaines cinq années. Les sondages donnent la coalition de gauche menée par l'ancien ministre Pier Luigi Bersani en avantage, avec plus de 34% d'intentions de voix. Trois autres mouvements politiques se partageront le reste des voix. L'ancien chef du gouvernement technique, Mario Monti, espère décrocher 12% du suffrage, alors que Silvio Berlusconi, qui guide l'Alliance de droite, a réussi à remonter dans les sondages, frôlant les 30%. N'hésitant pas à faire appel à tous les stratagèmes démagogiques pour séduire l'électorat indécis (estimé à 10% des 47 millions d'électeurs), occupant tous les espaces audiovisuels, promettant aux Italiens d'alléger la pression fiscale, Il Cavaliere a joué le tout pour le tout. Il a même promis aux Italiens de lever l'impôt sur la propriété immobilière que le gouvernement Monti avait introduit pour renflouer les caisses du Trésor public. Des lettres promettant la restitution de la taxe versée en 2012 ont été envoyées par ses services à tous les Italiens, et certains, par naïveté, se sont présentés aux bureaux de poste exigeant d'être remboursés. Un autre candidat, celui-là nouveau venu sur la scène politique italienne, a usé lui aussi de discours populistes pour brasser des millions de voix parmi les déçus du gouvernement Monti et ceux qui se sont détournés de la droite comme de la gauche. Beppe Grillo, un ancien humoriste, a créé un raz-de-marée populaire avec son parti, M5S (Mouvement cinq étoiles). Les analystes mettent en garde contre ce comique qui a drainé des milliers de sympathisants qui suivent tous ses meetings. A en croire les prévisions de vote, Grillo pourrait se placer en troisième position avec plus de 16% des voix. Ironique, provocateur et caustique, Grillo séduit la femme au foyer comme l'intellectuel de gauche. Paolo, musicien et chef d'orchestre, nous confie qu'il votera pour lui. «Pour nettoyer le pays de toute cette boue, il faut quelqu'un comme lui, qui a le courage de donner un coup de balai énergique à la politique». Mais tous ne sont pas de cet avis. Silvia, enseignante de littérature à l'université, affirme que «l'Italie ne s'en sortira pas avec des blagues et des provocations. Il faut quelqu'un qui possède une grande expérience en gestion économique mais qui soit moins cynique et sourd aux revendications syndicales que Monti». Les déçus du gouvernement Monti se comptent par centaines de milliers. Nommé Il Professore, ce dernier, a été appelé au chevet de l'économie italienne après la chute du gouvernement Berlusconi. Ancien commissaire européen, Monti a tenté, pendant un an, d'assainir les comptes de l'Etat italien en augmentant de manière très lourde la pression fiscale. Ses détracteurs l'accusent d'avoir choisi de sauver les banques plutôt que d'aider les salariés à boucler leur fin de mois. Car si l'Italie ne connaît pas encore le sort de la Grèce, elle ne peut toutefois s'estimer à l'abri de la faillite. Des dettes publiques qui étranglent l'économie en atteignant plus de 120% du PIB (produit intérieur brut) et qui retardent toute perspective de croissance, un taux de chômage parmi les jeunes (37%) des plus élevés de l'Union européenne... «Berlusconi a gouverné pendant des années et il a fait prospérer ses sociétés et non l'économie du pays», nous lance en colère Roberta, étudiante en droit. Cette déception, trois militantes du mouvement de protestation ukrainien Femen l'ont exprimée à leur manière. En topless sous la neige, devant le bureau de vote milanais où Silvio Berlusconi s'apprêtait à voter, elles ont scandé : «Basta Silvio», avant d'être bloquées par les agents des forces de l'ordre. Que ce soit Il Cavaliere, Il Professore, Il Comico ou Bersani qui fera son entrée au Palazzo Chigi, la tâche ne sera pas facile. Il faudra sauver de la banqueroute la troisième économie de l'Union européenne.