L'Europe semble bien loin des résolutions du sommet de Venise de 1980 qui reconnaissaient explicitement le droit du peuple palestinien à la création de son Etat indépendant, dans le cadre des résolutions des Nations unies. La question n'ayant en aucun cas évolué, la position européenne n'a pas seulement été perdue de vue, mais il y a eu, en fait, un recul. Il ne s'agit pas de dire que l'Europe n'avait plus de politique proche-orientale, car s'agissant d'un cas d'occupation par la force, le silence en est une. Et quand se manifeste l'intention d'observer une position dite équilibrée, cela n'a pas le moindre sens, sauf s'il s'agit de cautionner cette même occupation. L'Europe a été parfois, sinon souvent, amenée à bafouer les résolutions de Venise et violer ses dispositions. Mais depuis peu, il y a comme un frémissement de l'Europe, au moins à travers les rapports que lui soumettent ses propres diplomates, se rapprochant de ce texte majeur. La colonisation israélienne à El Qods-Est y est fustigée et traitée comme telle. C'est-à-dire comme un obstacle à la création d'un Etat palestinien, s'en tenant donc à la légalité internationale qui considère comme illégale la politique de colonisation et refusant de reconnaître les nouvelles frontières unilatéralement définies par Israël. Outre le constat, de tels rapports appellent même les pays membres à sanctionner financièrement la politique de colonisation. «Pour que la solution à deux Etats se réalise, Jérusalem doit devenir la future capitale de deux Etats, Israël et la Palestine», affirment dans leur rapport, pour 2012, les chefs de mission de l'UE à Jérusalem-Est et à Ramallah, déplorant qu'«Israël perpétue activement son annexion illégale de Jérusalem-Est». Cela fait bien longtemps que l'Europe ne s'est pas exprimée publiquement sur cette question de cette manière, ses représentants, il est vrai, ne se privant pas, quant à eux, de rendre compte de la réalité du terrain telle qu'imposée aux Palestiniens. Il reste que ce ne sont là que des rapports et non pas des déclarations. Un tel silence a été interprété bien entendu par les Israéliens, au moins comme une forme de complaisance. Il reste que le pas vers le parti pris est, quant à lui, vite franchi si l'on considère le statut de partenaire privilégié envisagé pour Israël dans ses relations avec l'Europe, dont l'officialisation n'a été ajournée qu'après les fortes pressions européennes, surtout après les massacres perpétrés à Ghaza par Israël durant l'hiver 2008. Le rapport de l'enquêteur de l'ONU, Richard Goldstone, y est pour quelque chose lui aussi. L'Europe, a-t-on aussi constaté, a fait preuve du même silence, sinon d'une gêne à protéger ses symboles et ses diplomates face aux manœuvres d'intimidation et même d'agression israéliennes, même si les voies diplomatiques sont impénétrables. Si cette fois le verbe est vif et même tranchant en identifiant le blocage de tout processus de paix éventuel, la conclusion paraît, par contre, symbolique, s'agissant uniquement de sanctionner les échanges européens avec les colonies, et non pas avec leur initiateur, c'est-à-dire Israël, clairement désigné dans le rapport comme responsable d'une telle situation. La diplomatie européenne suivra-t-elle cette recommandation même modeste, il faut en convenir ? Il a fallu de fortes pressions, y compris des Palestiniens, pour que l'UE corrige cette aberration, et elle a les moyens pour aider à rendre justice au peuple palestinien.