C'est incontestablement la combinaison délai-coût qui a décidé des attributions des contrats de réalisation des chantiers les plus importants de l'Algérie indépendante au détriment de l'effet impact sur l'emploi temporaire et sur le transfert des techniques. L'autoroute Est-Ouest a été partagée entre Chinois et Japonais. C'est ce que disent les premiers avis d'attributions provisoires " exflitrés " le week-end dernier vers le public. Les Chinois étaient en lice avec deux groupements Citic/Crec et Cscec/Chec pour les 169 km du Centre et pour les 359 km de l'Ouest, entre Chlef et la frontière marocaine. Les Japonais, regroupés dans le consortium Cojaal, avaient soumissionné pour le tronçon Est de 399 km entre Bordj Bou Arréridj et la frontière tunisienne. L'ouverture des offres financières en public le 28 mars dernier au siège de l'Agence nationale des autoroutes (ANA) avait clairement laissé entendre que les choix ne se feront pas seulement en fonction de l'offre la moins coûteuse pour l'Etat algérien. Cependant, sur le tronçon Est les écarts des offres étaient trop importants pour que le discriminant soit autre chose que financier. Les Japonais de Cojaal proposaient 123 milliards de dinars, lorsque les Américains de Bechtel évaluaient à 199 milliards de dinars leur œuvre et le groupement Italia à 226 milliards de dinars. Le choix aura sans doute été beaucoup plus compliqué sur le tronçon Ouest, sur lequel les deux offres de Bechtel et des Chinois du second groupement (Chec) (59 et 44 milliards de dinars) pouvaient justifier d'autres arbitrages qu'un écart de 15 milliards de dinars. Il est clair que le paramètre délai est intervenu pour consolider l'avantage coût des Chinois. Le ministre des Travaux publics Amar Ghoul a affiché un optimisme en toutes circonstances au sujet de la livraison des 927 km manquants de l'autoroute à la date prévue de l'automne 2009. Il a fait allusion à des surprises après l'ouverture des plis techniques des soumissionnaires, parlant d'offres de réalisation en dessous des 40 mois prévus par le cahier des charges. Tout le monde a alors pensé aux Chinois. La recette est connue et éprouvée. Les entreprises chinoises utilisent de la main-d'œuvre chinoise. De son côté, le signal du gouvernement est clair. Il a besoin d'une autoroute dans les délais prescrits plus que des emplois directs que sa réalisation va créer. Est-ce un luxe que peut s'offrir un pays dont le taux du chômage demeure à deux chiffres ? La réponse n'est pas automatique. Un mois de retard par kilomètre d'autoroute porte aussi un coût. Un jour de passage de plus du trafic camions par Tadjnent ou par Oued Rhiou a un impact sur l'activité économique nationale. Donc, la balance de l'emploi. Le gouvernement n'a fait aucune étude pour évaluer le risque retard et l'avantage main-d'œuvre nationale. Les interpellations vexantes du président de la République sur le site d'inauguration de l'aérogare d'Alger pèsent plus lourds dans les choix. Il faut surtout livrer à temps, de préférence pas trop cher. Le reste, tout le reste, est trop aléatoire pour mériter qu'on y réfléchisse. La vraie surprise dans ce mégachantier de l'autoroute Est-Ouest est encore à venir. Les études ne sont pas encore finies pour des tranches entières sur chacun des trois tronçons. Des avenants aux contrats de réalisation seront ajoutés une fois les études livrées. Mais alors, pourra-t-on changer d'entreprises de réalisation si la facture proposée devient plus européenne qu'asiatique ?