La célèbre romancière est revenue dans sa ville natale pour fêter les 20 ans de son œuvre majeure Dhakiret El Djaassad (Mémoire du corps). Je souhaite que Constantine ne soit pas un autre butin en 2015. Je l'ai trouvée triste et si peu propre. Les personnages qui immortalisent une ville dans un roman ont le droit de demander compte aux responsables, qui ont quelque part dénaturé ce que l'écrivain a tant glorifié. Constantine se prépare à être la mariée de l'est algérien, alors il faut la sauver et l'aimer, comme Salah Bey, qui était le dernier à aimer Constantine, ou Malek Haddad, qui a dit : ‘devant la beauté, (de Constantine) nous ne pouvons que pleurer', chose que je me propose de faire plus tard.» Ces propos empreints d'émotion, sont de Ahlem Mosteghanemi, «la gazelle de l'encre algérien» qui était l'hôte, hier, de l'université Constantine 1, à l'instigation du département de traduction et de linguistique. Toujours égale à elle-même, belle, élégante, et surtout féminine jusqu'au bout des ongles, elle décline un discours très poétique à l'auditorium Mohamed-Sedik Benyahia, devant une assemblée très nombreuse, essentiellement estudiantine, pour dire son amour de l'Algérie, de Constantine, sa ville, «où les femmes parlent comme elles chantent», de son père Mohamed Cherif, grand militant de la lutte pour la libération du pays, dont elle dira, en paraphrasant Lamartine : «Un seul lecteur vous manque et tout est dépeuplé», et qui était également l'ami de Kateb Yacine et de Abdelhamid Mehri… Elle est venue aussi pour fêter les 20 ans de son roman «Dhakiret El Djassad» (Mémoire du corps), vendu à un million d'exemplaires et porté à l'écran, qui l'a consacrée en tant qu'écrivaine anticonformiste, dont l'écriture romanesque en langue arabe s'inscrit, selon un universitaire, -par ailleurs grand lecteur de ses œuvres-, dans la lignée des grands écrivains algériens, notamment d'expression française, par la liberté de ton, l'audace, la force d'évocation, les digressions poétiques, à la manière d'un Kateb Yacine ou d'un Malek Haddad. «Elle a su moderniser le roman arabe en lui donnant un cachet universel, ses personnages sont des archétypes vivants.» Selon certains critiques, «ce roman a libéré le Maghreb du complexe du Moyen-Orient». Ahlem Mosteghanemi, elle-même, avouera que son personnage masculin central, Khaled Bentobal, n'est autre que Malek Haddad, l'homme algérien dans toute sa grandeur et sa générosité. «Par ce personnage, j'ai voulu réaliser le rêve de Malek Haddad, trop tôt ravi à nous, celui d'écrire en arabe.» L'écrivaine a achevé sa conférence par une séance- dédicace de son dernier roman «El assouad yalikou bik, 2012 (Le noir te va si bien)». Elle sera encore présente au même auditorium mardi (12 février) pour une séance académique de lecture de thèses de magister autour de ses écrits. Rappelons que les œuvres de Ahlem Mosteghanemi sont étudiées dans plusieurs universités d'Amérique et du Moyen-Orient, dont le Liban, où elle vit depuis plus de 20 ans.