L 'Irak «fête» aujourd'hui le dixième anniversaire de son invasion par les marines américains. L'ex-président Bush parti en guerre le 30 mars 2003 pour mettre la main sur de prétendues armes de destruction massive de Saddam Hussein aura atteint son principal objectif : détruire ce pays prometteur et saper son unité nationale. C'est le seul vrai enseignement qu'on pourrait tirer de ces dix années qui se sont écoulées. L'Irak est aujourd'hui un pays économiquement à genoux et politiquement en crise ; sur fond d'une insondable violence terroriste qui tue par dizaines. Pour les faucons de la Maison-Blanche et l'establishment de Washington, la mission a été accomplie avec brio… Faut-il alors fêter le 10e anniversaire de cette expédition américano-britannique, qui a ravagé le Tigre de Mésopotamie ? Pas sûr que les Irakiens aient aujourd'hui le cœur aux fleurs et aux youyous. Ils doivent plutôt pleurer sur le sort de leur pays voué à être morcelé conformément à un plan stratégique dont l'invasion en 2003 n'était que première séquence, certes terrifiante. Le fait est que la région autonome du Kurdistan se détache chaque jour un peu plus de l'Irak. Riche en hydrocarbures, cette bande du territoire irakien déjà culturellement déconnectée de Baghdad croit plus que jamais à son émancipation. Et les «libérateurs» texans ne verraient pas d'un mauvais œil qu'ils puissent mettre la main sur le potentiel énergétique du Kurdistan. Le gouvernement autonome d'Erbil se permet désormais de négocier seul les contrats d'exploitation des hydrocarbures avec les compagnies occidentales. A Baghdad, on apprécie de moins en moins cette prise de distance du Kurdistan, qui se donne ainsi les moyens de sa politique. Mais que peut bien faire Nour Al Maliki, lui-même installé par les Américains et qui plus est fait face à une vague de contestation sociale et politique depuis décembre 2012 ? Comme dans la voisine Syrie au début de la révolte, le gouvernement d'Al Maliki est conspué chaque vendredi dans d'impressionnantes manifestations menées notamment dans les régions sunnites. La fronde contre lui s'étend même jusqu'à son cabinet, qui connaît une saignée parmi ses partenaires au sein de la coalition au pouvoir. Deux ministres du bloc Iraqiya, laïc mais dominé par les sunnites, ont déjà claqué la porte depuis début février. Motif ? Le gouvernement Al Maliki est accusé d'organiser la corruption et d'entretenir la violence pour se maintenir au pouvoir. L'impasse politique en Irak est donc totale. Il va sans dire que les luttes confessionnelles se sont attisées plus que jamais auparavant entre chiites et sunnites. Les attentats contre la communauté chiite signés par «l'Etat islamique d'Irak», la branche irakienne d'Al Qaîda, sont de plus en plus monstrueux. Des dizaines de morts sont enregistrés chaque semaine dans des attaques à l'explosif et autres opérations suicide. Dix ans plus tard, Saddam Hussein et son parti Baas ne sont certes plus là. Mais le «chaos constructif» de Bush s'est transformé en chaos tout court. Loin du Tigre et de L'Euphrate, les Américains apprécient ce long film d'horreur dont ils ont écrit le scénario. Avec la mention à suivre…