Les architectes algériens envisagent-ils d'engager un mouvement de contestation ? «Des centaines de jeunes architectes nous confient quotidiennement leur ras-le-bol», affirme Mohamed Ighmouracen Kahouadji, président du conseil national de l'Ordre des architectes algériens. «Et à l'issue de la dernière rencontre nationale, ils ont appelé à une mobilisation des forces afin de faire aboutir un certain nombre de revendications. Dans le cas contraire, ils veulent sortir dans la rue», poursuit-il. Les raisons de ce malaise au sein de la corporation sont multiples, mais relèvent toutes essentiellement du «manque de considération» manifesté par les autorités à l'égard de cette corporation depuis quelques années. «L'Ordre des architectes, en plus de représenter les quelque 12 000 professionnels inscrits au tableau, régit et contrôle ce corps de métier tout en œuvrant à la protection des architectes mais aussi et surtout des citoyens. L'inscription au tableau de l'Ordre équivaut à agrément. Il est et se doit d'être un interlocuteur privilégié de la tutelle. Pourtant, le ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme nous tourne le dos et les changements à sa tête n'y ont rien changé. Nous ne sommes, par exemple, associés à aucun projet, aucune prise de décision ou autre», dénonce M. Kahouadji. «Et l'un des exemples les plus criants est un projet de loi sur la maîtrise d'œuvre en architecture qui a été déposé au SGG pour être adopté. Les principaux acteurs et concernés sont les architectes, mais ils n'ont été ni consultés ni associés», explique le président du conseil national. Pourtant, les modifications apportées par cette loi ne sont pas des moindres, comme l'explique Karim El Ghazi, président du conseil local d'Oran. «Elles visent à reconfigurer la maîtrise d'œuvre, qui ne pouvait être uniquement confiée à des architectes inscrits au tableau de l'Ordre. Avec ce projet de loi, même les cabinets d'études publics pourront être habilités à être maître d'ouvrage», insiste M. El Ghazi. «D'ailleurs, cela va de pair avec la note ministérielle envoyée en mars 2011 à toutes les directions de wilaya et qui donnait injonction à la délivrance d'un agrément ponctuel à tous les bureaux d'études et les architectes étrangers, sans passer par l'inscription au tableau de l'Ordre. Dans les décrets publiés au JO et qui définissent les activités architecturales, seuls les Algériens peuvent y être inscrits», souligne-t-il. «Nous demandons que ce projet de loi soit retiré et qu'il soit impérativement soumis à débat avec la corporation», poursuit M. Kahouadji. «Annulation des contrats avec les étrangers» Pour tenter de se faire entendre, le conseil de l'Ordre national des architectes a ainsi adressé une lettre ouverte au président de la République «afin d'exposer ces situations qui portent atteinte aux valeurs nationales». Et il ne cache pas, dans ce document, sa «détresse» face à «la marginalisation des architectes algériens par le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme qui est notre principal client de la commande publique». «Plusieurs entreprises étrangères, portugaises, espagnoles, américaines, etc., sont approchées par le ministre pour finaliser des contrats d'étude et la réalisation afin de leur confier les 700 000 logements restants de votre programme, au moment où les Algériens attendent d'y prendre part», est-il mentionné dans ce document. «L'urgence est présentée comme argument majeur pour justifier la présence des étrangers. Seulement, le logement demeure avant tout une question de société, une identité culturelle et historique. Ce ne sont sûrement pas les étrangers, dont le souci majeur demeure le profit de nos richesses, qui feront mieux», poursuit le conseil national de l'Ordre. «L'urgence et l'absence de concertation avec les professionnels ont donné naissance à des villes hideuses et mal structurées, dans lesquelles le citoyen n'arrive plus à s'identifier, constat amer que vous avez fait à travers plusieurs de vos discours. Malheureusement, la leçon n'a pas été retenue et certains continuent encore la politique des chiffres au détriment de la qualité», est-il déploré. Les architectes algériens, «outragés», sollicitent le président afin «d'empêcher ces injustices» et faire ainsi d'eux «les acteurs principaux de ces programmes».