Après moult tergiversations et voire valse hésitation, l'album tant attendu de Khaled est enfin sorti hier dans les bacs en Europe et en Amérique du Nord. Il est intitulé Ya Rayi, édité chez le label Universal AZ avec lequel il a été en bisbille, ces deux dernières années, jusqu'à le « traiter de marchand de tapis... » et de surcroît, en remettant sa démission. Car Khaled voulait s'affranchir par rapport à la ligne éditoriale, musicalement parlant. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts et Khaled et sa maison de disques sont revenus à de meilleurs sentiments. Cela fera huit ans que Khaled n'a pas sorti d'album proprement dit Kenza paru en 1999 fut une parenthèse musicale faisant office de best of avec des titres en bonus. Et puis cette longue trêve pouvait être interprétée comme un effet boomerang, à l'instar de Micheal Jackson dont la vacuité artistique aura été un flop patent. Ainsi, avec ce nouvel album de l'enfant terrible d'Eckmuhl, Khaled, à 44 ans, revient à ses premières amours. Un raï de la première heure. Une teneur et haute tenue instrumentale plutôt digeste, fluide, légère mais pas futile, sophistiquée, frisant des fois l'easy listening, le kitsh, et la variété métissée très chère à la french touch (la touche française). Cependant, avec une âme latente aux fragrances fleurant bon le terroir patrimonial algérien dans toute sa diversité mélomane (chaâbi, wahrani, raï...). Devant être réalisé, dans un premier temps, par Quincy Jones, le célèbre arrangeur de Michael Jackson et Dr Dre, le fameux rappeur et découvreur d'Eminem, il a été finalement conçu majoritairement par Philippe Eidel, ayant déjà officié sur des titres comme Les ailes de l'amour et Bakhta, Don Was, le grand producteur des Rolling Stones, Bob Dylan, Rod Stewart, Ofra Haza ou encore Martha and The Muffins lui ayant offert un décollage international, en 1992, avec le hit Didi issu de l'album éponyme Khaled et le jeune et talentueux arrangeur algérien connu pour avoir « concocté » de belles choses pour Takfarinas (Zaâma, Zaâma), Hani Chaker, Amr Diab, Chérifa, Compay Secundo... A la première écoute de ce nouvel opus, sans faire dans la critique « railleuse », Ya Rayi sonne avec un effet rédhibitoire de Didi. La preuve ! La chanson titre Ya Rayi signée par Don Was (remember Didi et N'ssi N'ssi) est un steady rock (reggae léger) subtil, galvanisé, élégant, funky, groovy, jazzy (ça rime), chorale, onirique (trance à laRobert Miles), et à la tablature électro-acoustique à dose homéopathique (très Steve Cropper, guitariste émérite d'Otis Redding) et juste ce qu'il faut. Comme cette section-cuivre claquante et clinquante et celle de percussion très El Bab. Une mise en jambes très « world ». Sur le titre Mani Hani, Khaled invite une guest star, le grand pianiste d'origine juive et néanmoins oranais, Maurice El Médioni. Ici, pas de l'électronica mais que de l'acoustique pur jus aux touches rhapsodiques en guise d'une intro de... 90 secondes... de bonheur ! H'mama est, subjectivement, la réussite de cet album. Un duo improbable avec la légende vivante du wahrani, le maître Blaoui Houari. Un standard datant de 1954 de Blaoui, déjà repris en version instrumentale électrique par Raïna Raï sur l'album Zina au début des années 1980. Khaled rendra hommage au Cardinal de la chanson chaâbi, le monument El Hadj M'hamed El Anka, à travers une autre reprise de l'incontournable El H'mam et dont l'enregistrement a été réalisé à Alger sous la direction de l'orchestre de la Radio nationale. Avec Jacob Desvarieux, l'ex-leader du groupe Kassav, Khaled se révélera excellent dans le déhanchement chaloupé de la biguine antillaise et autre machine... zouk sur Zina Zina (mais pas H'lima). Une plage très dance pour les nightclubbinb du monde. Malheureusement, l'album Ya Rayi n'est pas encore sorti en Algérie faute d'éditeur preneur. Le spectre du piratage oblige ! Liberté d'opinion ?