Benamra Hamid est un documentariste, voire portraitiste prolixe et prolifique à travers des instantanés, plans et autres séquences portant sur des tranches de vie Comment avez-vous “chopé” le virus du cinéma et du rapport à l'image... C'est à l'âge de cinq ans, à l'école. Un enseignant qui s'appelle Cheikh Hocine. Il a eu la géniale idée de projeter un film aux élèves. Il nous a montré un film de Chaplin. Depuis, cette image ne m'a plus quitté. J'ai voulu depuis lors faire cela. Donc, le problème du choix ne s'est jamais posé. Et après... Après, vers treize, quatorze ans, je me suis intéressé suffisamment à l'histoire du cinéma par bribes. Mais surtout, j'ai eu la chance de lire et d'apprendre sur l'expérience des années 1920 de Koulochov...Vers seize ans, je ne racontais pas une histoire avec des images mais avec un rapport d'images. A dix-sept ans, en 1981, je faisais mon premier film de 55 mn qui s'appelait Pour une vie meilleure. Une fiction qui racontait l'histoire de quatre copains ayant grandi ensemble mais qui ont pris des chemins différents dans la vie. Un film tourné à la Glacière, à Alger. Justement, vous revendiquez votre “appartenance” au quartier de la Glacière... J'y tiens. C'est mon cheval de bataille. C'est le quartier qui m'a nourri et vu grandir. C'est un quartier renfermant un trésor qui ne voit pas. C'est vrai que l'on s'attarde sur le côté “quartier chaud”. Mais il est chaud par l'émotion. Vous venez de projeter des portraits filmiques en Algérie. Histoire de décliner votre carte de visite... Oui, quatre projets ont été programmés aux cinémathèques d'Alger, Oran et Tizi Ouzou. Des projets portant sur deux artistes peintres, Mustapha Boutadjine, un graphiste faisant des collages, un film intitulé Bouts de vie, bouts de rêve. Et où je montre la révolte de Mustapha Boutadjine. C'est quelqu'un qui découpe des magazines de luxe pour en faire des portraits confectionnés par collage représentant des effigies et autres figures engagées. Le second film Jardin des toiles porte sur Mohamed Aksouh, artiste peintre algérien n'ayant pas exposé en Algérie depuis 1964. Et cette tranche de vie filmée sur cette danseuse du Moulin Rouge... Ce sont deux tranches de vie. Deux portraits de deux danseuses. Le premier est celui d'une danseuse du Moulin rouge. Elle est noire, originaire de Guadeloupe et elle s'appelle Jo Coco. C'est le type fille à qui on avait dit, dans sa prime enfance, qu'elle ne sera jamais une danseuse étoile à l'Opéra de Paris. Car victime de délit de faciès ordinaire. Donc, elle prend sa revanche en étant une danseuse au Moulin rouge. Mais elle ne danse pas en première ligne. Car elle noire. Ce qui est intéressant chez elle, c'est qu'elle est chrétienne pratiquante bien qu'elle danse en topless. Donc, j'ai fait un film qui montre que la foi est compatible avec la création. J'ai appelé cela Peau... dense, la densité de la peau. Le dernier portrait est sur Soraya Baghdadi, l'épouse du cinéaste libanais Maroun Baghdadi, qui décédé, malheureusement. Et cette femme danse sur la musique orientale sur celle de Marcel Khalifa, en sa présence. Et je veux montrer que le rapport au ventre, au nombril est sacré. Le ventre m'a donné la vie. Le nombril, c'est l'ego et c'est aussi une source d'énergie dans le karaté. Le titre du film de Soraya Baghdadi est Diwan. Le dénominateur commun de ces tranches de vie créative est la dimension humaine, la générosité, l'émotion... Ce sont des gens que j'aime. Je les ai filmés avec beaucoup de pudeur et de délicatesse. Il beaucoup de vérité, certes ! Mais je les ai apprivoisé. Ce rapport avec l'image.. ? Ce peux sentir dans l'œil de l'autre si je peux le filmer ou pas. Donc, je suis “prédateur” mais je suis à l'affût de la moindre émotion. Pas un chasseur d'images... Non, absolument pas. Je suis un guetteur d'images Là, vous êtes sur plusieurs projets en Algérie... Oui, là, je suis en train de terminer plusieurs sujets portant sur l'humoriste et comédien, Azziz Dega, sur un grand maître de karaté Ouali Mahfoud dont j'étais un disciple-il a une approche très réaliste du karaté-, sur des chanteurs de chaâbi à la Glacière comme les cheikhs Mazari, Liamine, Brahim Rezzoug...C'est pour montrer qu'à la Glacière n'y a pas que des voyous ou des intégristes. Mais il y a aussi des comédiens, de grands sportifs. Mustapha Boutadjine est issu aussi de ce quartier. Comment cultivez-vous cette force tranquille, être zen ? C'est celle du karaté que je pratique. Le karaté, est une manière de vivre. Mais pour se défendre, il ne faut pas avoir une arme mais il faut être. L'arme dans mon cas, c'est l'outil, c'est l'image, c'est la caméra. Quand on fait du karaté, on est dissuasif mais on apprend à flairer les problèmes de loin. Alors, on les évite. On est surtout pacifique. La définition du karaté est se défendre à main nue.