Qui des archs ou des étudiants soutenus par le RCD allait mobiliser le plus de personnes pour célébrer le 26e anniversaire du printemps berbère ? Telle était la question qui taraudait les esprits des observateurs en cette matinée ensoleillée du jeudi 20 avril 2006. En réponse à l'appel à la grève des archs, par crainte ou par conviction, tous les commerçants du centre-ville de Tizi Ouzou ont baissé le rideau. Peu avant 10h, les premiers délégués des archs se rassemblent au carrefour Djurdjura, situé à côté de l'ancienne brigade de gendarmerie et baptisé place des Martyrs du printemps noir. De l'autre côté de la ville, devant le portail de l'université Mouloud Mammeri, les étudiants commencent à déployer leurs banderoles. La journée est radieuse. 10h30, le premier carré de marcheurs commence à avancer doucement, les autres carrés se mettent en place. Sur les banderoles en drap blanc des étudiants on peut lire : « Pour une véritable université à Tizi Ouzou », « Tamazight langue officielle », « Non à une justice aux ordres », « Non à l'amnistie amnésique », « Pour les libertés démocratiques et les droits de l'homme ». Les derniers carrés de la marche sont constitués par les militants et élus du RCD. Les banderoles sont différentes. Elles sont en plastique. Des mots d'ordre inscrits en bleu sur fond bleu. Saïd Sadi, leader du parti, prend place dans le dernier carré en compagnie de quelques cadres du parti. A quelques mètres de l'université, les étudiants font une halte pour rendre hommage à Moh Achour Belghezli, un militant du MCB assassiné par les terroristes et dont la stèle commémorative est enfin réhabilitée en présence de sa femme. Les premiers marcheurs reprennent la procession et atteignent la placette du stade du 1er Novembre. D'anciens militants du MCB sont là. Saïd Khellil, Saïd Boukhari, Saïd Chemakh, entre autres, marchent au milieu de la procession aux côtés de syndicalistes, d'universitaires et de citoyens anonymes, qui redécouvrent, le temps d'une journée, que les étudiants, en laissant de côté leur appartenance partisane et leurs querelles, peuvent faire de grandes choses, comme leur aînés de 1980. Les manifestants avancent le long du boulevard Lamali, qui longe le CHU et le quartier des Genêts en essayant au maximum de ralentir leur cadence, pour ne pas se retrouver face à face avec les archs quelques mètres plus loin. SATISFACTION Ces derniers qui n'ont pu rassembler que quelques dizaines de personnes entament leur rassemblement, avec prise de parole de certains délégués, qui tentent de faire croire qu'ils sont toujours incontournables et mobilisateurs. Il est 11h30, la marche des étudiants qui, selon la police a rassemblé entre 3000 et 5000 manifestants, arrive à une vingtaine de mètres du carrefour du Djurdjura. Les policiers en civil et en tenue sont sous tension de crainte d'un affrontement entre les deux camps. Ils ralentissent la marche, le temps que les archs quittent le lieu du rassemblement. Mouloud Lounaouci, président du BR du RCD et porte-parole du MCB est en colère. « Je leur donne deux minutes pour vider les lieux, sinon... », s'emporte-t-il devant les policiers, en parlant des archs. Celui qui devait faire preuve de sagesse s'avère ainsi dépassé. Les policiers font tout pour calmer les esprits. Gonflé sans doute par le nombre de marcheurs derrière lui, Lounaouci veut en découdre avec la poignée de personnes rassemblées autour des délégués des archs. Belaïd Abrika interrompt son discours et appelle les personnes rassemblées autour de lui à quitter les lieux et à marcher jusqu'à la sortie de la ville. Après quelques minutes de tension, les délégués des archs ayant quitté les lieux, la police libère le passage aux marcheurs qui empruntent l'avenue Abane Ramdane, pour rejoindre la wilaya, en passant par l'ancienne mairie et le boulevard Houari Boumediène. Devant le siège de la wilaya, les manifestants ont observé une halte et une minute de silence avant de se disperser dans le calme, alors que derrière Saïd Sadi et ses militants quittent les lieux satisfaits du résultat.