Le débat sur la relance économique dans les pays en crise financière met souvent la fiscalité au tableau des leviers de croissance. La réduction de la fiscalité ou son augmentation peuvent contribuer à une meilleure économie, y compris dans les pays émergents. L'adage selon lequel trop d'impôts tuent l'impôt reste une idée de référence dans les réflexions sur la relance. L'économie de l'offre, au centre de cette réflexion, met l'accent sur l'impact de la fiscalité du côté du secteur productif au sens le plus large, par opposition à la pensée keynésienne qui se focalise sur la relance ou le ralentissement de la demande en consommation et en investissement. Le courant économique ‘supporter' de la relance par l'offre considère que des taux marginaux élevés d'impôts constituent un facteur de désaffection au travail, à l'épargne et à l'investissement. A l'opposé, des taux bas constituent une attractivité à la recherche de nouveaux revenus, à leur augmentation et à plus d'investissement. Selon cette réflexion, les gouvernements seraient plus gagnants à prendre une part relative moins importante de revenus fiscaux dans une plus large part du produit intérieur brut. L'idée selon laquelle des taux de fiscalité plus bas conduisent à des ressources fiscales plus importantes est souvent décrite à travers ce qui est communément désigné par la ‘courbe de Laffer.' La modélisation économique d'Arthur Laffer (1) est fondée sur l'idée d'une relation positivement proportionnelle entre la croissance du taux d'imposition et celle des recettes de l'Etat qui s'inverse lorsque le taux d'imposition devient trop élevé. Le fondement de cette conclusion est que le travail requiert des sacrifices, y compris celui du temps libre et des loisirs, en contrepartie desquels les revenus augmentent. De même que l'épargne serait un sacrifice sur la consommation immédiate, mais compensée par la rémunération du capital investi à partir de cette épargne. De nombreux Etats se servent de cette modélisation pour orienter leur politique fiscale et considérer notamment comme facteur de relance la réduction des taux d'impôts. Certains détracteurs de l'impôt vont même jusqu'à considérer sa disparition au motif qu'il ralentit la croissance en présentant, comme principal levier les entrepreneurs qui auraient le génie de la combinaison permanente des capitaux, de la recherche, du travail et de l'innovation, au point de plaider la suppression de certains impôts. La stabilité de la fiscalité est également une hypothèse importante chez les tenants de la relance par la demande, qui s'effectuerait par une augmentation des dépenses publiques. Cette dernière est censée conduire les entreprises à augmenter leur production, à recruter plus et par transitivité à augmenter l'activité économique génératrice d'une hausse des recettes fiscales, elle-même compensatrice des dépenses publiques. Les défenseurs de la relance par la demande considèrent que la réduction des impôts n'est pas une bonne stratégie de relance économique. C'est principalement dans les postulats de base de la relance par l'offre que ses contradicteurs trouvent leurs arguments en plaidant que : - la réduction de la fiscalité ne garantit pas que les titulaires de revenus dépenseront l'économie d'impôt transférée sur le revenu pour consommer en produits locaux ou pour investir ; - le transfert de l'économie d'impôt sur les titulaires de revenus a plus tendance à encourager la consommation à court terme plutôt que l'investissement structurant créateur d'emplois et l'augmentation du produit intérieur brut. Ces débats aidant et desservant à la fois, les gouvernements considèrent, d'un pays à l'autre, les leviers de la croissance avec des dosages différents, selon les spécificités de chacun, avec l'appréciation des taux de la fiscalité tout en tenant compte des besoins en ressources, de la structure de la fiscalité actuelle, du temps d'adaptation aux nouvelles mesures fiscales et surtout de l'appréciation que les redevables ont de la situation économique actuelle et future. Les exemples ne manquent pas actuellement en Europe sur les différentes réactions aux plans d'austérité, notamment avec le gel des salaires des fonctionnaires, la mise en place de l'impôt sur la fortune ou la taxe à 75% en France. Parallèlement des pays ont révisé certains impôts à la baisse. Tel est le cas de la Grande-Bretagne qui, pour relancer sa compétitivité internationale, a réduit : - l'impôt sur les sociétés de 26% à 24%, - l'impôt sur le revenu de 50% à 45%, - l'imposition des dividendes versés par des entreprises étrangères à des entreprises établies en Grande-Bretagne, - l'impôt sur les revenus tirés des brevets. La problématique commune à la plupart de ces pays reste la compétitivité (2) dans un environnement de récession. Même les pays qui ne connaissent pas la crise, comme la Norvège, sont confrontés à une perte de compétitivité . Grace à des revenus pétroliers qui favorisent une bonne santé économique et une hausse des salaires, sans effet positif pour l'économie, la Norvège est en perte de compétitivité, car les Norvégiens seraient paradoxalement de plus en plus nombreux à vouloir réduire leur temps de travail, niveau de revenu aidant, mais desservant la productivité et la compétitivité en matière de prix. Les pays émergents sont confrontés à d'autres particularités comme la corruption, l'économie informelle et la fuite de capitaux. Selon que ces pays soient à forte croissance ou non, certains investissent sur des marchés matures intégrant ainsi une compétitivité internationale souvent facilitée par une politique fiscale encourageant la création d'entreprises, l'investissement direct étranger et les investissements à l'étranger créant de la sorte une internationalisation des grandes entreprises des pays émergents. Dans les pays à fort taux d'économie informelle, il est difficile d'apprécier des données fiables en matière d'incidence des politiques fiscales, surtout lorsque les phénomènes de corruption et de fuite de capitaux biaisent le recensement des revenus. Le poids de fiscalités particulières, comme la fiscalité sur les hydrocarbures en Algérie, pèse encore de façon significative sur les ressources de l'Etat et par providence contribue largement aux ambitieux programmes de développement de l'infrastructure. Elle est cependant soumise aux mêmes menaces de volatilité des prix et de raréfaction des réserves. L'Algérie a comme de nombreux pays émergents consenti des réductions de taux d'imposition ou carrément abandonné des impositions en vue de promouvoir des secteurs d'activités ou des régions. La série d'encouragements fiscaux devrait cependant faire l'objet d'une analyse de portée et de coût économique pour apprécier si le déplacement de la ressource fiscale aux entrepreneurs profite réellement à la croissance. Le Conseil national de la fiscalité dont la composition, l'organisation et le fonctionnement ont été récemment définis (3) , aura fort à faire en matière d'évaluation du régime fiscal sur la base du développement économique national. Ses propositions et ses avis sont très attendus. notes : (1)- Arthur Laffer : économiste libéral américain. Chef de file de l'école de l'offre. (2)- Norvège : les malheurs d'une économie qui se porte trop bien. La Tribune du 05 avril 2013. (3)- Décret exécutif n° 12-430 du 22 décembre 2012.