La question des salaires est devenue récurrente et chaque augmentation décidée en appelle une autre. La revendication ne se discute pas sur le plan de la légitimité. Ce qui est par contre discutable, c'est la manière de poser le problème et surtout les justifications qui sont apportées pour relever ou non les rémunérations. Chacun selon son mérite. Telle aurait dû être et telle devrait être la règle. Les choses en Algérie n'étant presque jamais ce qu'elles auraient dû être, pendant longtemps cette devise a pris un autre sens et on a presque envie de dire que la règle en matière de rémunérations est devenue à chacun selon sa position, ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi si les positions pouvaient se justifier sur le plan de la compétence et du rendement ou encore de la productivité en commençant par le plus petit métier jusqu'au plus pointu. Le socialisme alimentaire pratiquée pendant des décennies a généré des comportements et des méthodes de gestion qui n'épousent pas les contraintes de la rationalité économique. Lui succédant, l'économie de bazar a accentué le phénomène si bien qu'aujourd'hui, le discours des pouvoirs publics sur la relation salaire-performance n'arrive pas à trouver écho auprès de l'opinion qui ne comprend pas comment on peut verrouiller dans un contexte d'aisance financière où chaque jour que Dieu fait les prix du pétrole enregistrent une hausse encore et encore. Et pourtant, c'est cela la bonne recette si seulement toute les composantes du pays faisaient sienne ce postulat qui ne manque ni de sagesse ni de prudence. Les efforts et les sacrifices consentis ces dernières années pour arriver à ce niveau d'épargne du pays méritent plus de vigilance et de rigueur dans la gestion. Les réactions des uns et des autres sur l'épineuse question des salaires sont toutes justifiées mêmes si elles s'opposent frontalement parce que tout simplement les préoccupations sont différentes. Pour certains, il faut défendre coûte que coûte la rente, pour d'autres, il faut revenir aux fondamentaux de la gestion et pour une frange importante de la population, c'est un problème de pouvoir d'achat vu la cherté de la vie, l'eau, l'électricité, le loyer, le transport, les produits alimentaires etc... évoluent toujours à la hausse jamais à la baisse. Ou se situe dans tout cela la relation salaire - performance ? Si la performance ou la productivité pour les uns consistent tout simplement à équilibrer un compte de résultat par l'effet prix et pour les autres jouer avec l'absence de contrôle et d'espaces pour la défense des droits des consommateurs, il est évident qu'on a tout simplement adapté les règles du socialisme alimentaire à l'économie de marché en brandissant les nouveaux principes qui encadrent l'activité marchande, liberté des prix et déréglementation. Pour convaincre l'opinion en travaillant réellement pour instaurer cette relation salaire - productivité qui permettrait à terme de passer à la compétitivité de l'économie, il faut faire des efforts titanesques pour amener tous les secteurs d'activité à s'inscrire dans cette logique du mérite. Ce qui suppose certainement un prix à payer qui serait de loin supérieur à toutes les augmentations de salaires qui ne manqueront pas d'intervenir pour célébrer les performances réalisées par l'économie au plan macro en termes de croissance et d'épargne. Avec un taux de croissance qui dépasse les 5% en 2005, un niveau d'inflation de 1,6% et une épargne importante de l'ordre de 45 milliards de dollars, comment prêcher le freinage salariale lorsque le pouvoir d'achat est lorgné chaque fin de mois. Ce qui frappe le plus, c'est le différentiel des salaires qui existe entre les secteurs privé et public. Il est connu que le coefficient d'exploitation des entreprises du secteur privé affichent des niveaux qui sont de loin inférieurs à la norme alors que pour le public, il se situe dans le meilleur des cas juste au niveau requis quand il ne dépasse pas la norme pour bon nombre d'entreprises. Cette situation est de bien entendu liée à l'organisation, au management, aux règles de la commercialité (factures, marges, service après-vente), aux normes de qualité, etc. que certains respectent scrupuleusement alors que d'autres les ignorent totalement. Sur le terrain, le privé réalise des gains importants puisqu'en général il fait l'économie de beaucoup de frais. Alors si la performance doit se mesurer par le contournement de tous les aspects liés à l'organisation et la manière dont fonctionne une entreprise, il y a véritablement un problème parce que la politique de l'emploi est réellement évacuée. Il y a quelque part une concurrence déloyale fondée sur des pratiques anti-économiques. Dans ces conditions, la question des salaires devient secondaire.