« Loin de me léser, l'autre m'enrichit », Antoine de Saint-Exupéry. Quand Armand Vial crée sa photo «Desailleur 3» en 2011, -un large plan sur un pan de mur (80 x120 cm), fait de craquelures en diatoniques, un peu comme un clair-obscur pictural, exprimant à la fois désillusion et mansuétude esthétique, Hassen Meghraoui, lui, avait peint, dix ans plus tôt, «Blessure», une toile (80 x165 cm), qui, comme la photo de Armand Vial, suscite à la fois étonnement et secrète douleur. Deux âmes se sont fortuitement frôlées pour exprimer une même émotion avec les mêmes tons, le même thème passionnel, le même amour de la lumière, des formes abstraites, de la quête d'autre chose, hors des sentiers battus, où la photo se confond avec la peinture. Exposition duelle, surprenante et porteuse d'amitié entre deux artistes, - et deux peuples, forcément-, l'un peintre algérien, et l'autre photographe français, nés tous les deux à Constantine. «Deux regards, une image», tel est donc l'intitulé de ce travail admirable, qu'héberge, du 13 avril au 2 mai, l'institut culturel français (ICF). Les deux artistes ne se connaissaient pas, jusqu'à ce que leurs créations respectives les réunissent. «Quand je peins, j'invite mon âme à faire la fête», nous disait mystérieusement Hassen Meghraoui lors du vernissage samedi dernier. Que recèlent donc ces deux imaginaires ? est-on tenté de s'interroger face à cette profusion de toiles et de photographies lumineuses qui se donnent allègrement le ton, dont les couleurs ne peuvent fuser que d'un songe ou d'un poème par un jour hors du temps, inventé par la magie de l'art. «Je suis heureux que ce projet ait fleuri, ça donne à l'un et à l'autre une nouvelle force», nous avoue à son tour Armand Vial. «Des compositions vivantes, des vibrations, des fragments de vie qui nous parlent, c'est en vérité un beau spectacle qui s'offre à nos regards ; cette fusion est une chose étonnante et superbe», nous confie, admiratif, Jean-François Albat, le directeur de l'ICF, qui réitère tout son intérêt et son encouragement pour les artistes à Constantine. Mais, justement, ne serait-ce pas Constantine, cette cité sanctuaire, qui aurait tissé ce lien entre ces deux artistes dont elle est le réceptacle de leur double naissance ? Hassen Meghraoui, architecte de profession, est venu à la peinture en autodidacte, mû par un désir d'art non galvaudé, que seule une sensibilité à fleur d'âme peut permettre. Armand, tout aussi enfant de Constantine, a un regard généreux de poète, dont le grand-père paternel Julien, a initié au monde merveilleux de l'instantané autrement maîtrisé pour capter cet ailleurs, objet d'une recherche proustienne jamais assouvie. Disons comme le récitant : «Le monde est intéressant parce qu'il s'y trouve des artistes». N'omettons pas de rappeler qu'un beau catalogue exhaustif des œuvres accompagne l'exposition.