Une certaine fébrilité était dans l'air, mardi, à l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme (EPAU) d'Alger l Et pour cause ! Les étudiants ont mis la main à la «pâte» ! Et ce, en passant de la théorie à la pratique d'une architecture séculaire, celle de la terre. A la faveur de la deuxième édition du Festival culturel international de la promotion des architectures de terre, organisée sous les auspices du ministère de la Culture et se déroulant du 20 au 25 avril 2013, l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme d'Alger (EPAU) est devenu un chantier à ciel ouvert. Ici, des jeunes filles dament le coffrage d'un mur entièrement bâti en terre, là, des jeunes hommes enduisent un mur d'argile, là-bas, une architecte procède à un moulage de terre. Ce sont des ateliers in situ : pisé, adobe et BTC (entendre blocs de terre comprimés), arcs et voûtes et enduits. Et ce, dans une ambiance «dissipée», mais pédagogiquement technique ! Des travaux pratiques, en somme ! Des ateliers animés et encadrés par des spécialistes internationaux de la construction en terre, venus des Etats-Unis, Brésil, Chili, Colombie, Espagne, France, Inde, Italie, Mexique, Portugal, Suisse et, bien sûr, d'Algérie, à l'endroit des architectes et ingénieurs, en génie civil en formation, venus des 48 wilayas. La terre, c'est gratuit et sain «Nous présentons différentes façons de faire avec le pisé. Une approche tactile avec le matériau (la terre) par opposition à la théorie… La terre est gratuite, elle peut stocker de l'énergie solaire, de la masse thermique en hiver ou encore de la fraîcheur en été. Cela peut être un développement économique créant un gisement d'emplois. Ce matériau (la terre) est durable et sain… Pour vous dire, toute une partie de la Muraille de Chine est faite en pisé…», vulgarisera Miguel Ferreira Mendes, architecte portugais, encadrant l'atelier pisé. Berbache Wahiba, architecte, encadre, avec d'autres experts, notamment Daniel Martins Da Costa Quinto, Antonio Penagos Arenas, Etienne Samin et Jenny Astrid Vargas Sanchez, l'atelier adobe (blocs de terre comprimés). Elle effectue une démonstration didactique et pratique quant à l'architecture à base d'adobe adoptée dans les ksour, les Hauts-Plateaux ou encore la Kabylie. Elle prépare une pâte maniable, de la terre argileuse armée avec de la fibre végétale ou animale et de l'eau. Elle effectue un moulage, elle remplit la cavité de la presse locale, elle comprime bien la terre pour avoir un BTC (bloc de terre comprimé). «Il existe des constructions en BTC à Souidania, à Alger et en cours de réalisation à Tamanrasset, Laghouat ou Béchar. Ce sont des constructions de terre anti-sismiques. L'architecture de terre (adobe, BTC) est répandue au Mexique, aux USA et au Yémen, où s'érigent des immeubles de dix étages, soit 30 m de hauteur…», expliquera Berbache Wahiba. «Former les futurs acteurs de la préservation» Yasmine Terki, commissaire du Festival culturel international de la promotion des architectures de terre, enfant de La Casbah d'Alger, portant bien et beau ce projet, elle en parle avec une «monumentale» vulgarisation : «J'ai grandi dans La Casbah d'Alger. L'architecture ancestrale est intelligente. J'y ai découvert la terre et puis celle du Sud. Architecte, je me suis spécialisée dans la sauvegarde du patrimoine. Le Festival Archi'Terre œuvre pour la réhabilitation du patrimoine architectural de terre. Les gens croient que la terre n'est pas un matériau viable et durable. Au contraire ! C'est un matériau magique! Nos ancêtres l'ont utilisée. Il faut travailler à réhabiliter cette architecture. Aussi, nous avons organisé des expositions portant sur l'historique de l'architecture de terre, répondant aux besoins actuels les plus contemporains. Il s'agit de former les futurs acteurs de la préservation de la construction de terre. Il s'agit aussi de sensibiliser les architectes, les ingénieurs en génie civil, les professionnels et les artisans. Notre rôle est de transmettre ce savoir-faire qu'on trouve dans les ksour, les Casbah existant depuis des siècles. Une identité ! Ainsi, le Centre algérien du patrimoine culturel bâti en terre (CAP Terre) intervient dans une stratégie de promotion, préservation et réhabilitation de l'architecture de terre, par rapport à l'abandon de la population de cet héritage précieux. Il s'agit de convaincre. Sinon, cette l'architecture de terre et le patrimoine sont voués à disparaître… ». De front, Un espace lecture est réservé dans les jardins de l'Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme d'Alger, offrant une sélection d'environ 300 ouvrages essentiellement dédiés aux architectures de terre et à la préservation du patrimoine, acquis dans le cadre de deux expositions réalisées par le ministère de la Culture sur le thème «Des architectures de terre».