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«Je ne crois pas à la supériorité d'une culture sur une autre»
Rabih Abou Khalil. Compositeur et musicien libanais
Publié dans El Watan le 03 - 05 - 2013

Le musicien libanais Rabih Abou Khalil était l'invité de la 11e édition du DimaJazz à Constantine. El Watan Week-end l'a rencontré pour cette première interview accordée à un journal algérien.
- Vous cherchez l'émotion dans la musique, pas forcément le style, n'est-ce pas ?
La musique, ce n'est jamais un style. Le monde d'aujourd'hui est très petit. Cette situation crée des problèmes, mais en même temps, ça nous donne la chance de trouver différentes manières pour nous exprimer. Si j'étais resté au Liban ou dans autre pays arabe, je me serais mis à jouer la musique qu'on peut appeler peut-être traditionnelle. Je n'aime pas ce mot. La tradition d'aujourd'hui était révolutionnaire hier. En Egypte, Sayad Derouiche était, à son époque, révolutionnaire par sa musique. Si les musiciens d'aujourd'hui ne travaillent pas pour la tradition de demain, la musique va mourir. Les expressions et le caractère des gens changent au niveau mondial. Quand on revoit les films produits il y a vingt ou trente ans, on se rend compte que beaucoup de choses ont changé dans le monde. L'expression musicale, artistique, émotionnelle doit être actuelle. On ne peut pas vivre dans le passé. La seule chose qui peut faire la différence est la qualité et la façon de s'exprimer. On peut le faire d'une manière banale ou profonde. J'essaie d'être un peu profond. J'espère que je vais réussir.

- La musique pour vous est en évolution permanente...
C'est surtout l'expression de l'humanité. Il y a des choses qui ne changent pas. L'amour est toujours le même depuis la nuit des temps. Dans mille ans, ce sera la même chose. Idem pour la tristesse. Je crois que c'est la forme d'expression qui évolue. On doit être à l'intérieur du monde d'aujourd'hui, pas dehors. Et si on est artiste, il faudrait être plus dedans.

- Il y a toujours cette appréhension chez tout créateur d'être dépassé à un moment donné, de n'être plus de son époque !
Je ne sais pas si je fais la musique de l'époque. On ne sait jamais ! Et puis, on ne peut pas être juge de soit, car ce n'est pas bien pour l'art. Les juges sont toujours les autres. Je fais ce que je peux. Je m'arrange à le faire sérieusement. Que ça plaise ou pas aux gens, ce n'est pas de ma responsabilité. C'est hors contrôle. Par contre ce que je peux contrôler, c'est la qualité.

- Vous êtes un musicien connu aussi par vos compositions marquées par la présence du oud. Faut-il y voir un attachement aux racines ?
Les racines sont toujours là. Je ne veux pas et je ne peux pas les enlever. Ce n'est pas bien de les enlever d'ailleurs. Il faut rester tel qu'on est. La musique, c'est également l'expression de la personnalité. Je suis un musicien arabe établi en Europe. Je ne veux pas être hypocrite et essayer de faire quelque chose qui ne m'appartienne pas. J'écris toujours comme je le sens. Je ne dis jamais je vais mélanger ceci avec cela ou utiliser tel ou tel style. J'écoute beaucoup les différentes musiques du monde, les musiques du Maroc, de Tunisie, d'Irak, du Liban. Pour l'Algérie, j'écoute par exemple le chaâbi et le malouf. Je cherche toujours des choses, pas pour m'inspirer musicalement, mais pour savoir ce qui se fait. Je me rappelle quand j'étais petit, mon père avait une radio avec des shorts waves (SW, ondes courtes) à travers lesquelles il pouvait écouter les radios chinoise, japonaise. J'en étais complètement impressionné par les musiques que j'écoutais à la radio. La musique japonaise est complètement différente de la musique arabe, par exemple. Je me suis dis comment est-ce possible ? Il y a une musique pour chaque peuple. Je voulais tout savoir, surtout sur la manière avec laquelle les gens réagissaient à la musique

- Et pourquoi le choix du oud ?
Ce n'était même pas mon choix. Mes parents ont choisi cet instrument pour moi. Les gens me demandent parfois que signifie le oud pour toi. C'est comme si on me demandait que signifie pour toi ta main. C'est une partie de moi. C'est la dernière chose que je mets de côté avant de dormir. Et la première chose que je touche le matin. Chaque jour. Si je ne joue pas au oud, je sens comme un manque dans ma vie. Mon épouse n'aime pas trop cela, même si elle a toujours le dernier mot.

- Dans la musique arabe, quelles ont été vos plus grandes influences ?
Oum Kaltoum ! C'est la reine de la musique arabe. Il y a Wadi Al Safi aussi. Il était mon maître et j'ai même étudié avec lui. Wadi Al Safi est une de mes grandes influences. Je le rencontrais à Beyrouth et à Paris où il habitait à l'époque de la guerre civile au Liban (les années 1970, ndlr). J'adore la musique chantée. Il faut toujours pouvoir chanter une musique, sinon il ne faut pas la jouer. La voix est essentielle même si on compose de la musique instrumentale. On doit penser à mettre au chant cette musique, s'interroger aussi si cette même musique peut faire danser les gens. Je n'aime pas trop la froideur de la technique musicale.

- Il faut donc donner une profondeur humaine à la musique.
Voilà. Il faut être vivant.

- En Europe, quelle perception est faite du jeu de l'oud, de cet instrument à l'identité visible, à votre musique ?
Chacun trouve quelque chose dans ma musique. Les Arabes comprennent plus cette musique. Je peux le sentir. Dès qu'ils voient l'oud, ils comprennent. Mais les Européens se posent souvent des questions. Ils s'interrogent sur l'instrument, le nombre de cordes, la manière de jouer avec, son origine. Donc, dès le départ, il existe une autre perception de la musique. J'ai peut-être la chance de jouer dans différents pays. Je suis très intéressé par les cultures du monde. Je ne crois pas à la supériorité d'une culture sur une autre. Chaque culture a sa beauté. Il existe une immense variation d'expression pour, parfois, des choses partagées comme l'amour. Il y a toujours quelqu'un qui trouve quelque chose dans ma musique à cause peut-être de ce que j'ai vécu, de ce que je vis, de ce que je suis... La musique, à la fin, c'est une machine de rêve. Dans le public, chaque personne entend différemment la musique que je joue. Les émotions ne sont jamais les mêmes. Dire «je t'aime» diffère d'une personne à une autre... On donne une machine à rêver aux gens. Après, il appartient à chacun de l'interpréter. Ecouter de la musique et la sentir, c'est du travail ! Chercher du trésor, c'est également du travail.

- On sent dans votre musique une certaine mélancolie. D'où vient-elle ?
Ce sont mes racines arabes ! Nous sommes toujours mélancoliques. Ne dit-on pas qu'on pleure sur nos ruines (Al boukaa ala attlal) et sur le passé !

- On a fait circuler à un moment donné l'idée «de choc des civilisations », vous en pensez quoi ?
Cela peut exister si la personne se laisse «choquer». Cela peut exister dans la tête des gens. A la fin, il y a une manière de se comporter partout où on va. On peut passer sa vie sans insulter les gens même si on change les pays et les cultures. Il y a des choses communes à l'humanité. On peut être poli, respectueux partout. Cela est valable en Asie, dans les pays arabes ou en Europe. Il faut toujours avoir du respect pour les gens.

- Que représente le jazz pour vous ?
J'ai toujours aimé la liberté d'expression qu'offre le jazz. La manière de jouer le jazz et l'interprétation ont connu des transformations. Je parle de la qualité, pas du style. Dans le Monde arabe, on a essayé d'être plus occidental, sans s'intéresser à la profondeur de la création. On a repris des banalités, ce qui est facile à comprendre. On n'a pas fait l'effort nécessaire pour mieux saisir la musique occidentale. Lorsque l'arbre prend de la hauteur, les racines gagnent en profondeur. Plus les racines sont profondes, plus l'arbre est vigoureux. Sans connaître son passé, on ne peut pas avancer vers le futur.

- Quand vous écoutez ce qui se produit actuellement en matière musicale dans le Monde arabe, comme la jeel music, n'avez-vous pas cette impression d'écouter la même chanson ?
(Rires). Lors d'une de ses dernières interviews, Mohamed Abdelwahab avait dit, à propos de cela, il y a vingt ans déjà, que le véritable maître est mort. Ils lui ont demandé qui était donc ce grand maître, sa réponse était : «Le public.» Si le public ne demande pas à un chanteur : «C'est quoi ça ?», les gens vont continuer à chercher le chemin le plus facile. Pourtant, dans les pays arabes, il existe des rythmes incroyables. L'Algérie est la capitale des rythmes. Il y a une variation incroyable. On y trouve de l'africain, du swing... Dans plusieurs de mes morceaux, j'ai utilisé des rythmes algériens à ma manière. Je me prononce donc avec mon propre accent musical... Cela dit, je connais beaucoup de jeunes musiciens arabes qui sont impressionnants. Il faut donc éviter de généraliser. Il reste que la musique commerciale n'a jamais été la meilleure. Les goûts ont changé. Le talent ne meurt jamais. Il peut dormir pour un temps, mais il se réveille. Il y a moins de possibilités peut-être aujourd'hui. Les maisons de disques n'ont pas suffisamment de moyens pour supporter des heures de travail, de répétition et de tournée... Cela était possible auparavant.

- Vous n'aimez pas trop qu'on parle de jazz oriental ?
Des noms ! Cela fait un moment déjà que le jazz est ouvert sur les différentes musiques. On parle donc de latin jazz, de jazz oriental ou autre. Ça ne me dérange pas. Mais c'est une mode, pas un style.

- Quel regard portez-vous sur le Monde arabe aujourd'hui après les changements politiques majeurs ?
Nous avons raté une grande chance ! Une chance de renouveler notre culture. Aujourd'hui, nous voulons nous enfermer au lieu de nous ouvrir. Nous voulons chercher une identité qui n'existe pas. Nous voulons que cette identité existe par force. Nous avons peur. Peur de nous-mêmes. Nous ne sommes pas relax avec notre culture. Le Monde arabe imprime moins de livres en une année que ce que produit l'Espagne en une semaine ! Nous avons un problème avec l'éducation et la culture. Nous sommes passés à côté de la marche du monde.

- Ce retard en matière de connaissance et de savoir est-il la faute des régimes ou des intellectuels ?
Difficile de trouver réponse à cette question. Même les politiques n'ont pas de réponse. Mais je pense que la responsabilité est partagée. Nous ne savons pas ce qui se passe dans le monde. Nous avons perdu beaucoup de choses et raté ce que nous devions prendre. Le Printemps arabe a malheureusement raté l'ouverture.

- Avez-vous peur pour l'avenir du Liban avec tout ce qui se passe autour ?
J'étais au Liban il y a trois semaines. Il y a des craintes. Presque deux millions de réfugiés syriens sont au Liban. Un pays où il y a quatre millions d'habitants. La situation est dure...


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