Une quatrième mine a explosé, hier matin, sur les hauteurs du mont Chaâmbi à Kasserine, à 25 km de la frontière algérienne, provoquant des blessures graves à deux sergents de l'armée qui ratissaient dans la zone. Tunis. De notre correspondant Les soldats se trouvaient à une centaine de mètres du sommet du mont Chaâmbi, abritant la station de transmissions de télévision et de radio, lorsqu'ils ont observé des mouvements suspects. En se rendant sur les lieux suspectés, une mine a explosé à leur passage, provoquant des blessures graves aux sergents Yassine Boulahi, amputé d'une jambe, et Mourad Zaghdoudi, atteint au visage et aux yeux. Un troisième soldat a été légèrement atteint. Après avoir été opérés à l'hôpital régional de Kasserine, les deux blessés ont été transférés à l'hôpital militaire de Tunis pour des soins. Le colonel-major Mokhtar Ben Nasr, porte-parole du ministère de la Défense, a indiqué que «les opérations de ratissage vont se poursuivre jusqu'à la sécurisation de la montagne, et ce, en dépit des pertes». «C'est le tribut de la défense de la patrie», a-t-il indiqué en réponse à une question sur la réaction du ministère suite aux pertes parmi les troupes. Au-delà des détails sur les incidents, les stratèges de l'armée et les analystes ne cessent de s'interroger sur la portée stratégique de la présence de ces mines terrestres sur les hauteurs de Kasserine, en rapport avec le statut des djihadistes en Tunisie. La Tunisie est-elle une terre de transit ou de djihad ? Stratégie maghrébine L'expert tunisien de la question djihadiste, Aleya Allani, trouve que «suite à l'invasion française du Mali, le terrain de prédilection pour l'action d'Al Qaîda en Afrique du Nord a bougé du triangle Algérie-Mali-Mauritanie où AQMI était très active ces dernières années, vers un nouveau triangle Algérie-Libye-Tunisie». «La Libye constitue, selon l'expert, le maillon faible de ce triangle en raison de la perméabilité de ses frontières.» «Al Qaîda bénéficie également d'une présence consistante au Niger et au Burkina Faso», ajoute-t-il. Concernant sa présence en Tunisie, M. Allani pense que «la nature du relief tunisien n'aide pas à une installation permanente des cellules d'Al Qaîda, surtout que l'Algérie voisine verrouille parfaitement ses frontières». Pour faire face à ce danger et en synergie avec un appel qui se développe en Tunisie au niveau de la société civile, l'expert propose de «mettre sur pied une stratégie de lutte contre le terrorisme qui peut associer les islamistes au pouvoir et qui pourrait s'étendre à l'échelle maghrébine». Aleya Allani n'a pas manqué de relever l'alliance objective entre les djihadistes et les contrebandiers en Tunisie, ainsi qu'une certaine complaisance d'une partie de la population, comme l'atteste la manifestation de soutien dans un quartier de Kasserine, aussi minime soit-elle, et le soutien logistique dont ils ont bénéficié. Par ailleurs, dans la même ligne que ces derniers propos de l'expert et alors que la société civile et politique multiplie ses gestes de sympathie avec l'armée et les forces de sécurité qui poursuivent les terroristes dans les montagnes, une quinzaine de prisonniers salafistes, détenus dans la prison de Mornaguia, sont entrés en grève de la faim depuis 48 heures pour réclamer leur libération, voire l'accélération de leurs procès et l'amélioration de leurs conditions de détention. Les cheikhs du courant salafiste ont publié, hier, un communiqué où ils s'indignent de l'attaque systématique contre les salafistes, «qui n'ont d'autres péchés que leur rapprochement à Dieu». Le communiqué «réclame la libération immédiate des détenus salafistes et des excuses officielles de la part du gouvernement» accusé, selon eux, «d'être à l'origine du décès en prison des deux grévistes de la faim Béchir Golli et Mohamed Bakhti».