En prévision de l'installation aujourd'hui des commissions SGP et UGTA, en présence du chef du gouvernement, le secrétariat national a tenu hier une séance de travail à huis clos avec les fédérations du secteur économique. Le débat, selon certains syndicalistes, a porté sur les grandes lignes des conventions sectorielles et de branches portant notamment sur la revalorisation des salaires. Trois groupes de travail mixtes, SGP-EPE, patronat-UGTA et UGTA-EPIC, avaient été initiés par la centrale syndicale dans le cadre de ce dossier, dont la première commission a été installée, en 1997, par Ahmed Ouyahia, alors chef du gouvernement. Hier, la réunion au siège de la centrale syndicale a eu lieu en présence des représentants d'une dizaine de fédérations du secteur économique (EPE), mais également des entreprises ne dépendant pas des SGP, comme Air Algérie, la SNVI et la SNTF afin de préparer la rencontre aujourd'hui avec le chef du gouvernement et les SGP. Les conclusions des trois groupes de travail devront être finalisées en septembre prochain pour être présentées aux travaux de la tripartite, prévus justement en automne de l'année en cours. Cette réunion intervient au moment où la centrale syndicale a été sévèrement critiquée pour la caution qu'elle a apportée au projet de loi relatif à l'aide et au soutien de l'emploi. Ce texte prévoit le recours aux fonds de la caisse de chômage pour supporter les abattements des charges sociales dégagés au profit des opérateurs économiques. Selon le secrétaire général de la Fédération des retraités, M. Azzi, ce projet de loi vise surtout l'amendement de la loi 83/11 du 2 juillet 1983 qui régit le système de la sécurité sociale. « Ce texte fondamental est très clair à ce sujet, notamment à travers son article 93, qui stipule que les fonds de la sécurité sociale ne peuvent être utilisés que dans le cadre de la prise en charge des prestations sociales. Pour nous, le projet de loi vise à faire sauter ce verrou pour remettre en question les fondements de la sécurité sociale. Il est important de préciser que les prestations de chômage font partie de la sécurité sociale », a-t-il déclaré. Il a expliqué que le décret exécutif 94/187 du 6 juillet 1994, fixe à 1,25 % la quote-part des employeurs et 0,50% celle des salariés. Ce qui donne un total de 1,75%. La sécurité sociale ne participe pas aux fonds de cette caisse, mais elle gère et administre toutes les caisses. « Utiliser les ressources de la caisse chômage pour prendre en charge les avantages accordés au patronat est non seulement illégal, mais porte gravement atteinte aux acquis sociaux. Comment peut-on accepter de recourir aux cotisations des travailleurs pour payer les patrons ? » M. Azzi a relevé que ces dernières années, les caisses ont accumulé un excédent financier considérable qui a dépassé les 100 milliards de dinars. La caisse de chômage, par exemple, a enregistré un excédent de recettes de près de 6 milliards de dinars, du fait de l'absence de dépenses. Au lieu de faire profiter les travailleurs de ce gain, en mettant une partie de cette somme dans le chapitre de la prise en charge de l'assurance maladie par exemple, le gouvernement a préféré les mettre à la disposition du patronat. « L'accumulation de ces sommes colossales a vraisemblablement suscité des convoitises. Ce qui a poussé le gouvernement à faire sauter l'obstacle de l'article 93 de la loi fondamentale régissant la sécurité sociale. Il est important de signaler que sur les 32 dispositions du projet de loi relatif à l'aide et au soutien à l'emploi, la caisse de chômage n'est évoquée que dans les trois articles. » Le responsable syndical, qui maîtrise parfaitement la loi fondamentale de la sécurité sociale de par sa participation effective à son élaboration en 1983, a estimé que le système législatif actuel est le plus équilibré qui puisse exister. « Il joue parfaitement son rôle au profit des assurés sociaux, c'est-à-dire des travailleurs salariés sans que l'Etat ne débourse un seul dinar. Il a cumulé un excédent jamais égalé. Recourir à l'argent des travailleurs est une flagrante violation des droits sociaux qui va mettre en péril la pérennité et la sécurité des caisses. Les patrons ne sont ni stupides ni naïfs pour croire. Ce ne sont certainement pas les abattement des charges sociales qui vont les encourager à recruter plus. Les règles économiques sont très claires. Ils recrutent que lorsque leur production l'impose. Si le gouvernement veut les aider, il peut le faire à travers l'abattement des charges fiscales. La promotion de l'emploi est du ressort du gouvernement. Elle ne doit pas se faire au détriment des salariés. » M. Azzi a indiqué par ailleurs que ce projet de loi est non seulement en contradiction avec les résolutions de tous les congrès de l'UGTA qui appellent à la préservation des acquis sociaux, mais également aux déclarations du FMI, qui mettent en garde les gouvernements contre tout recours aux fonds de la sécurité sociale. Il a estimé qu'en cautionnant un tel projet de loi, la centrale syndicale ne fait que faillir à sa mission de protectrice des acquis des travailleurs. « Nous avons eu écho du contenu de ce texte accidentellement. A aucun moment le secrétariat national n'a fait appel à notre expertise en la matière. Le bureau d'études auquel elle a soumis le projet de loi semble très mal informé, puisque les déclarations publiques de son responsable ont fait état d'une méconnaissance totale du contenu du projet de texte. J'ai moi- même contacté le président de l'Assemblée nationale pour voir si nous pouvions rattraper le coup de l'examen du projet de loi au niveau de la commission. Malheureusement, celle-ci l'a déjà examiné et ne lui a apporté aucun changement. Nous comptons sensibiliser les députés du parti des travailleurs et du FLN sur cette question très grave et dangereuse. Je pense que si des informations suffisantes ont été données sur le sujet, les trois articles contestés auraient été abrogés avant même qu'ils n'arrivent à l'Assemblée nationale. »