Le grand réalisateur iranien, Abbas Kiarostami, devrait être à Alger dans les prochains jours pour débattre de ses films. Morceau de sucre, de Réza Mir Karimi a lancé, hier soir à la cinémathèque d'Alger, le premier cycle du film iranien en présence du réalisateur. Durant ce week-end, le public pourra assister à la projection d'autres films comme Mainline de Rakhsha Bani Etemad, Morceau de pain, de Kamel Tabrizi, Si près, si loin, de Réza Mir Karimi et A propos d'Elly, d'Asghar Farhadi (projections à 13 h, 17 h et 19 h). «La cinémathèque algérienne commence à concrétiser ses projets. Nous avons déjà organisé les journées des films français, italiens et espagnols, ainsi que le cycle du film d'animation autrichien. Mme la ministre de la Culture a insisté pour l'organisation de ces journées du film iranien. Nous avons prévu au début la programmation de quinze films. Nos amis iraniens nous en ont proposé huit», a déclaré Lyès Semiane, directeur de la Cinémathèque algérienne, lors d'une conférence de presse animée hier. Il a indiqué que la cinémathèque a demandé l'envoi de la fiction Copie conforme de Abbas Kiarostami (2010). La demande n'a pu être satisfaite. «On nous a proposé à la place Le goût de la cerise», a-t-il dit. «Le goût de la cerise est sorti dans les salles en 1997. Il a reçu la Palme d'or au Festival de Cannes la même année (avec L'Anguille du Japonais Shohei Imamura).» Lyès Semiane a annoncé la venue à Alger de Abbas Kiarostami. «C'est un honneur pour l'Algérie et la Cinémathèque algérienne de l'accueillir», a-t-il dit. Réza Mir Karimi, qui dit connaître le septième art algérien, a plaidé pour un rapprochement entre les cinémas de l'Iran et de l'Algérie. «Nous devrions renforcer davantage la coopération entre nos deux pays dans le domaine cinématographique», a soutenu, pour sa part, Kamal Tabrizi, lors de la même conférence de presse. Selon les deux cinéastes, les longs métrages programmés lors de ce cycle expriment mieux «la nouvelle tendance» du septième art iranien. Le goût de la cerise fut le précurseur de ce mouvement installé dans l'univers contemporain. Le réalisme est aussi présent dans le cinéma de Rakhshan Bani Etmad. Cette réalisatrice s'intéresse surtout aux sujets sociaux, tels que la dépendance à la drogue (Mainline). «Les films présents ici ont été projetés dans toutes les salles en Iran et ont été présentés dans une cinquantaine de festivals à travers le monde. Chaque année l'Iran produit plus de 100 films. Nos diplomates nous disent toujours que les cinéastes iraniens voyagent plus qu'eux !», a expliqué Reza Mir Karimi. Ce réalisateur est surtout connu pour le film L'enfant et le soldat. «La plupart des cinéastes au monde souffrent de l'existence de lignes rouges. Nous ne sommes pas les seuls à en avoir. En Iran, nous avons toujours la possibilité de discuter, de dialoguer avec les responsables concernés pour atténuer ce qui nous est interdit d'aborder», a déclaré Kamal Tabrizi. «Parfois, le dialogue ne sert pas à lever les lignes rouges», a repris Réza Mir Karimi. Il a tenu à préciser que l'Etat iranien accorde une aide financière à la production de films. «Lorsqu'un pays est sous embargo, le cinéma a besoin d'être protégé par l'Etat pour continuer d'exister. Mais, ceux qui financent ont tendance à vouloir orienter les cinéastes. A ces derniers de défendre leur liberté de créer», a-t-il souligné. Les deux cinéastes iraniens n'ont pas apprécié le thriller américain Argo de Ben Affleck. Ce film raconte comment la CIA a fait sortir des diplomates américains qui étaient réfugiés à l'ambassade du Canada à Téhéran lors de la crise des otages en 1979. Sorti en 2012, Argo a décroché trois oscars (Meilleur film, Meilleur scénario adapté et Meilleur montage). «Argo est une attaque claire contre la culture, la civilisation et l'histoire de l'Iran. Tous les cinéastes iraniens ont critiqué ce film, à l'image de Abbas Kiarostami. Argo est un film de bas niveau qui n'a rien ramené de nouveau. Ce n'est même pas du cinéma. Tout ce que ce film a évoqué est faux», a déclaré Réza Mir Karimi. Il a également critiqué le film américano-britannique 300 de Zack Snyder. Ce péplum revient sur la fameuse bataille de Thermopyles, qui avait opposé les soldats de l'Empire perse Achéménide à ceux des cités grecques vers 480 avant Jésus-Christ. «Le public iranien a rejeté complètement le film 300», a déclaré Réza Mir Karimi. Cette fiction a présenté les soldats perses sous des allures déformées, accentuant des caractères de violence, de lâcheté et de passivité sexuelle. Le film 300 est sorti en 2006.