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Ziari / syndicats : le bras de fer qui achève les malades
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Publié dans El Watan le 17 - 05 - 2013

L'affaire des quatre nourrissons prématurés décédés au CHU de Sétif la semaine dernière (alors que le personnel de l'établissement n'était pas en grève) a lancé la polémique. Les témoignages de malades et de leurs proches se multiplient pour dénoncer la grève qui paralyse le secteur de la santé depuis plus d'un mois. Selon eux, le service minimum n'est pas assuré. Une réalité que même les syndicalistes, gênés, ne nient pas.
«Elle a la cinquantaine et était atteinte d'un cancer de l'utérus. Admise à la clinique Debussy à Alger, depuis une vingtaine de jours, elle attendait qu'on lui programme une intervention chirurgicale. A cause de la grève (qui dure depuis le 6 mai pour les médecins et le 29 avril pour les paramédicaux), son dossier n'a pas été traité. Nous étions dans la même salle. Elle souffrait et elle était impatiente d'être admise au bloc. Elle voyait en cette opération un espoir… Et puis jeudi dernier, elle est décédée avant même d'être opérée.» La patiente qui témoigne et qui a vu sa sœur mourir devant elle dénonce «le traitement des grévistes envers les malades, particulièrement les paramédicaux». Excédés, certains accompagnateurs de malades ont agressé deux médecins de l'hôpital de Beni Messous mardi dernier, selon Lyes Merabet, président du Syndicat national des praticiens de la santé publique.
A Khenchela, dans l'établissement public hospitalier de Lkayes, des affrontements ont aussi failli tourner au drame entre le personnel et des proches de malades. Au CHU Mustapha, des grévistes disent également être «verbalement agressés» par les patients qui, eux, crient à l'abandon. Dans les centres de santé, plusieurs malades sont mis à la porte. «Je suis venue, comme j'ai l'habitude de le faire tous les vingt-et-un jours, pour une piqûre d'antibiotiques, témoigne une dame, quand l'agent m'a carrément refusé l'accès sous prétexte qu'il était en grève, j'étais très surprise !» Tout en défendant les droits des grévistes, les syndicats reconnaissent que la situation n'est pas facile pour les malades. Car dans l'ensemble des structures de santé où la grève est massivement suivie, toutes les consultations, qui ne relèvent pas des urgences (hémorragies, appendicites, blessures graves…), sont suspendues.
«Un service minimum est assuré», affirme un syndicaliste qui reconnaît aussi en off que «certains médecins et paramédicaux sans éthique refusent des patients qui auraient besoin d'être pris en charge rapidement.»Par ailleurs, selon plusieurs patients, des médecins les orienteraient directement vers la clinique privée… où ils opèrent. Soit parce qu'ils touchent un pourcentage sur l'acte médical, soit parce qu'ils sont propriétaires de la clinique. «Un médecin a ainsi proposé à ma belle-sœur qui devait être opérée pour un goitre de la prendre en charge à la clinique, moyennant 250 000 DA l'intervention. Compte tenu de la situation, nous allons accepter, car nous n'avons pas le choix», raconte une proche de la malade. «Au Centre Pierre et Marie Curie, assure une infirmière, même si les patients disent être abandonnés, les traitements lourds sont assurés sans perturbation. Mais pour décrocher un rendez-vous pour une consultation, il faut attendre la fin de la grève, même s'il s'agit d'une tumeur.»
Hier, comme chaque jeudi, à l'hôpital Mustapha, les paramédicaux ont organisé une marche. Ils affirment que «leur action est menée dans le cadre de la loi et que c'est la seule façon pour obtenir nos droits». Rachid Sadaoui, président de l'Association algérienne de solidarité aux malades respiratoires, admet à demi-mots que des malades sont «pris en otages», mais dit aussi que dénoncer les grévistes est «dangereux», car cela donnerait au gouvernement «l'occasion de taper sur les syndicalistes».
Sétif : «Les bébés ne sont pas décédés à cause de la grève !»
L'affaire du décès des quatre nouveau-nés à la maternité de l'hôpital mère-enfant du CHU de Sétif remet sur la table la catastrophique situation d'une structure abandonnée. Des membres du personnel, qui ont accepté de nous parler sous le couvert de l'anonymat, pointent du doigt les mauvaises conditions et la surcharge de travail obligeant de nombreux paramédicaux (sages-femmes et anesthésistes) à recourir aux congés de maladie. «Le personnel de l'hôpital mère-enfant n'était pas en grève, assure-t-on au CHU. Parler de négligence est un non-sens. Il est facile de faire porter le chapeau à la maternité qui subit les conséquences du refus de certains gynécologues privés de suivre les grossesses à risque. Les nouveau-nés décédés sont des prématurés qui ne pesaient pas plus de 1,2 kilos et qui souffraient aussi de pathologies.» Le suivi de l'évolution du fœtus fait partie du contrôle de la grossesse à la charge du médecin traitant qui doit, le jour J fournir un dossier médical complet de sa patiente. A Sétif, ce n'est jamais le cas.
Thérapie de choc
«Trouvez-vous normal qu'une telle maternité de dimension régionale soit encore et toujours prise en charge par une mission chinoise accompagnée par un interprète ? Avec leur bonne volonté, les médecins généralistes ne peuvent régler tous les problèmes des grossesses à risque et des nombreux accouchements difficiles !», poursuivent nos interlocuteurs. «Il ne faut pas avoir peur des mots, le drame des nouveau-nés n'est que la partie visible de l'iceberg. La situation du Centre de chirurgie infantile et de pédiatrie est aussi alarmante. Malheureusement, on ne veut pas voir en face cette triste réalité. Le manque de moyens et la charge de travail énervent le personnel désarmé face au moindre pépin.
Parlons de l'hostilité de l'environnement et de l'indifférence des responsables de la wilaya qui n'ont pas jamais mis les pieds dans cet hôpital. Ce denier a besoin d'une thérapie de choc car il est, lui aussi, malade. Ce n'est pas le prochain transfert au plateau d'El Bez qui va changer les choses», tonnent les travailleurs de l'établissement. Le professeur Abdelkrim Mehatef, le nouveau directeur général du CHU, se défend : «Comparé au premier trimestre de l'année dernière, la mortalité périnatale a chuté à l'hôpital mère-enfant du CHU de Sétif.» Les gynécologues que nous avons contactés ont refusé de s'exprimer sur le sujet.
Constantine : les patients réclament un service minimum
Les malades qui se déplacent au CHU Ben Badis de Constantine pour des rendez-vous ou des consultations, reviennent chaque jour bredouilles en raison de la grève menée depuis trois semaines par les praticiens et les paramédicaux et qui a paralysé l'ensemble des services. La grande souffrance demeure celle des malades venant des wilayas lointaines pour des examens sans cesse reportés. Ceci en dépit des déclarations des représentants syndicaux des deux corporations affirmant que le service minimum est assuré, alors qu'il n'en est rien, comme nous l'avons constaté auprès de plusieurs malades. Les grévistes soutiennent que le mouvement a été largement suivi.
Selon Samir Djeghri, secrétaire de wilaya chargé de l'organique au Syndicat algérien des paramédicaux (SAP), le taux de participation a été estimé à plus de 91% au niveau du CHU Ben Badis. «Cet acte de protestation légitime est suivi dans le respect des conditions réglementaires, tout en assurant au malade le droit au service minimum», ont déclaré certains médecins rencontrés au CHU de Constantine. Les malades et leurs parents affirment de leur côté que le rôle des agents paramédicaux est indispensable dans les centres hospitaliers, notamment le CHU et dans certains services névralgiques, comme la réanimation, la chirurgie, la maternité et la cardiologie. «Nous souffrons d'un manque flagrant de prestations médicales. Le nombre des paramédicaux demeure très réduit dans les services et même dans les chambres, il n'y a qu'un agent pour dix malades», témoignent des parents de malades. La plupart dénoncent le manque d'hygiène et les saletés qui s'accumulent un peu partout dans le CHU, en raison des débrayages cycliques des agents d'entretien.
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Fayçal Ouhadda. Président de l'Association des diabétiques d'Alger : les malades ne doivent pas être pris en otages !
-La grève des médecins et des paramédicaux a-t-elle des conséquences sur la thérapie des diabétiques ?
Oui, car il faut savoir que cette période est très importante pour les diabétiques. Ils sont appelés à consulter leur médecin une fois chaque trimestre, notamment pour renouveler leur ordonnance : si la grève se poursuit, cela signifie que les malades rateront leur rendez-vous. Nous sommes à deux mois du Ramadhan, cette consultation est très importante pour décider si les patients peuvent jeûner ou non.
-Avez-vous reçu des plaintes pour non-respect du service minimum pour les diabétiques qui nécessitent un traitement continu ?
Chaque jour, nous recevons des malades qui viennent se plaindre de la situation dans les établissements de santé. Ils disent que les médecins ne veulent pas les recevoir. Le diabète est une maladie délicate et le patient peut avoir des complications à n'importe quel moment, au même titre que les cardiaques et les hypertendus.
-Comment comptez-vous gérer cette situation ?
J'estime qu'au-delà des considérations politiques, les malades, quelles que soient leurs pathologies, ne doivent pas être pris en otages. Au niveau de l'association, nous organisons souvent des journées de sensibilisation pour le grand public. Nous appelons les citoyens à se faire dépister et une fois sur place, le staff médical en grève, ils sont découragés et ne veulent plus recommencer. Nous avons vraiment les poings liés.


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