Chez le citoyen tunisien lambda, cette action anti-salafiste djihadhiste a été classée à l'actif du nouveau ministre de l'Interieur, l'indépendant Lotfi Ben Jeddou. Tunis De notre correspondant Le chef du gouvernement tunisien, Ali Larayedh, était certes à Doha lors des incidents de Kairouan et de la cité Ettadhamen entre les salafistes et les forces de l'ordre. Il n'empêche qu'il a appuyé la rigueur de la riposte du ministère de l'Intérieur contre les «terroristes». Qu'y a-t-il derrière ce durcissement ? Y aurait-il confirmation des liens entre AQMI et Ansar Charia ? Si le ministère tunisien de l'Intérieur a durci le ton contre les salafistes, la raison ne saurait se résumer au changement à sa tête de Ali Larayedh par Lotfi Ben Jeddou. Le premier étant l'actuel chef du gouvernement et a toujours la «haute main» sur la politique à mener en matière de sécurité. Ce seraient plutôt les dernières découvertes sur les liaisons dangereuses d'Ansar Charia avec Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI) et leurs desseins pour la Tunisie qui auraient changé la donne. Ce conditionnel est imposé par le flou avec lequel Ali Larayedh a entouré cet attribut, «terroriste», nouvellement utilisé par le chef du gouvernement contre les salafistes rigoristes. Ceux-là mêmes qui «annoncent une nouvelle culture» et «rappellent sa jeunesse au président d'Ennahdha, Rached Ghannouchi», pas plus tard qu'en mars dernier. Les raisons d'un changement de discours Pour comprendre le changement du discours officiel, il est utile de revenir sur la manière avec laquelle les propos de Ali Larayedh ont évolué. En décembre 2012, à une question portant sur les liens présumés entre Ansar Charia et Qatiba Okba Ibn Nafaâ qu'AQMI tentait d'installer en Tunisie, le ministre de l'Intérieur d'alors avait répondu : «AQMI recrute parmi les sympathisants d'Ansar Charia. C'est sûr ! Mais nous n'avons pas encore établi de liens entre les deux structures. Nous ne saurons donner une réponse ferme à cette question.» Depuis décembre, et selon les déclarations des ministères de l'Intérieur et de la Défense, «il y a eu une quarantaine d'arrestations en rapport avec cette katiba, qui sont toutes dans la mouvance proche d'Ansar Charia». Mais jusqu'à la toute dernière conférence de presse, malgré le soutien présumé de cette mouvance aux maquisards de Kasserine, leur vénération du cheikh martyr Oussama Ben Laden et le fait que leur leader, Seifellah Ben Hassine, alias Abou Yadh, soit un ancien lieutenant du chef d'Al Qaîda, les deux ministères n'ont jamais déclaré de lien organique entre AQMI et Ansar Charia. Plus encore, leurs tentes de prédication n'ont jamais été perturbées, malgré leurs discours violents et leurs prêches incendiaires, ce qui a poussé l'opposition à accuser le gouvernement de la troïka, notamment Ennahdha, de connivence avec les salafistes djihadistes. Ennahdha dos au mur Donc, face à ce durcissement dans les discours et les actes du gouvernement contre Ansar Charia et faute d'une communication gouvernementale transparente sur la question, on ne peut que présenter les analyses d'observateurs. Pour l'islamologue Néji Jalloul, il y a deux raisons derrière ce revirement. D'une part, Ennahdha ne peut plus se cacher la vérité évidente du lien organique entre Ansar Charia et AQMI. «Ils prêchent les mêmes objectifs. Les sympathisants d'Ansar Charia ont manifesté en soutien aux maquisards. L'aide logistique est assurée par ces mêmes sympathisants. Le lien organique est évident sur le terrain, comme au Mali et en Syrie», a-t-il souligné. «Le trouble-fête de l'opposition pourrait également devenir dangereux pour ceux qui l'ont entretenu», a ajouté l'historien. D'autre part, le mouvement Ennahdha commence à ressentir l'usure de la sympathie, dont il bénéficiait, suite à ses défaillances socioéconomiques et sécuritaires. «Le retour des investisseurs et des touristes ne pourrait se réaliser sans le retour du calme. Il fallait impérativement rétablir la confiance dans le site Tunisie», a précisé Néji Jalloul. Il n'empêche que, chez le citoyen lamda, cette action anti-salafiste djihadiste a été classée à l'actif du nouveau ministre de l'Intérieur, l'indépendant Lotfi Ben Jeddou, qui s'est éloigné de «la complaisance de son prédécesseur, Ali Larayedh, avec les salafistes».