Sera sanctionné celui qui osera organiser des manifestations non autorisées», avertit un communiqué du ministère de l'Intérieur. «L'appel à Dieu n'exige aucune permission», répliquent les salafistes. Tunisie De notre correspondant Le bras de fer s'est déjà installé avec des tentes de prédication des salafistes dispersés par les forces de l'ordre à coups de bombes lacrymogènes. Comment en est-on arrivé là ? Deux banlieues populaires de Tunis ont vécu, avant-hier, des échauffourées entre les forces de l'ordre et les salafistes. Une manifestation à Sidi Hassine-Séjoumi et une autre à la cité Ettadhamen ont été dispersées à l'aide de gaz lacrymogènes, voire des pierres. «Lorsque nos munitions et gaz lacrymogènes se sont épuisés, nous avons répliqué aux manifestants avec des pierres», a indiqué un membre des forces de l'ordre. Les salafistes se sont attaqués, eux aussi, avec des pierres et des cocktails Molotov, aux forces de l'ordre qui les ont empêchés d'installer des tentes de prédication. Trois personnes ont été arrêtées. Les mêmes scènes ont été observées dans plusieurs régions du pays. Hier, selon Radio Shems FM, les forces de l'ordre ont empêché les salafistes de dresser des tentes de prédication à Tataouine et Médenine, deux villes frontalières avec la Libye. A Tataouine, la police a également empêché une manifestation contre le chômage. «Toute manifestation doit bénéficier d'une autorisation préalable, 72 heures à l'avance», précise un communiqué du ministère de l'Intérieur. A Médenine, les manifestants ont scandé le slogan «Ministère de l'Intérieur, ministère de la terreur», rappelant les slogans de l'ère Ben Ali. A Sfax, les sympathisants de Hizb Ettahrir ont installé des stands, collé des affiches et hissé des étendards noir et blanc sur lesquels était inscrit «La ilaha illa Allah, Mohamad Rassoul Allah (Il n'y a de Dieu que Dieu, Mohamed est le Prophète de Dieu), rappelant le drapeau d'Al Qaîda, en provocation aux forces de l'ordre. Mais dans cette ville, la manifestation est autorisée. «Le ministère n'en est pas encore au stade du contrôle du contenu des manifestations», souffle-t-on. Pour sa part la ville de Bizerte, à l'extrême nord, a connu un rassemblement de salafistes devant le gouvernorat. Les protestataires ont dénoncé l'attitude des forces de l'ordre et de l'armée à leur encontre. Ils ont également accusé le gouvernement d'être à la solde de l'Occident. Des menaces ont été proférées contre les forces de l'ordre et de l'armée qui ont été appelés à rejoindre le clan des islamistes. Un orateur salafiste est revenu sur les événements de Djebel Chaâmbi, les qualifiant de «mise en scène qui ne vise qu'à détourner l'opinion publique». A Tabarka, sur la frontière algérienne, une tente de prédication a été dispersée par les forces de l'ordre qui ont usé de gaz lacrymogènes. Changement de ton Le ton au ministère de l'Intérieur a changé avec l'arrivée du nouveau ministre, l'indépendant Lotfi Ben Jeddou. «Voyez la rigueur avec laquelle le problème de la lutte contre le terrorisme est désormais géré», attire l'attention l'ex-secrétaire général du Syndicat des journalistes tunisiens, Zied Al Hani. «Auparavant, les agents de sécurité déploraient une certaine complaisance avec les djihadistes, qui bénéficiaient de relais en ville leur assurant des informations et de l'approvisionnement régulier en nourriture. Maintenant, le maquis est verrouillé. Même les accès aux sources d'eau de la montagne sont contrôlés. La capture des djihadistes maquisards est une question de temps», ajoute Al Hani, qui considère que «les derniers incidents en ville entre les forces de l'ordre et les salafistes sont en lien étroit avec ce tour de vis du côté des maquis, car les salafistes constituent la base arrière des djihadistes qu'il faudrait avoir à l'œil». Pour interpréter ces rebondissements, l'historien Néji Jalloul pense que «face au danger terroriste, le parti islamiste Ennahda est actuellement dans l'obligation d'assumer son rôle de parti en charge de l'Etat». Son leader, Rached Ghannouchi, n'a-t-il pas dit dans sa dernière conférence de presse qu'«on ne peut dialoguer avec ceux qui te tirent dessus pour te tuer ?» Ghannouchi a toutefois laissé ouverte la porte du dialogue avec «ses fils», les salafistes «non violents», ceux-là mêmes qui installent ces tentes de prédication. Le leader d'Ennahda risque, selon le professeur Jalloul, «de se prendre à son propre jeu, à moins que les salafistes ne se laissent faire et acceptent de baisser leur étendard de djihad, même temporairement». La véritable bataille contre le terrorisme a commencé.