«A l'heure actuelle, dans notre pays, une femme qui écrit vaut son pesant de poudre.». Telle est la précieuse caution du grand écrivain, Kateb Yacine, préfaçant l'auteure du roman, La Grotte éclatée, publié en 1979, aux éditions ENAG, Yamina Mechakra. Elle était médecin psychiatre, mais elle suivra une trajectoire littéralement littéraire. Elle était l'auteure mythique d'une œuvre majuscule, La Grotte éclatée, parue aux éditions ENAG, en 1979. Son nom sonne et claque. Yamina Mechakra. Elle est décédée dimanche, à l'issue d'une longue maladie. Elle avait 64 ans. Elle avait un adjuvant, une étoile qui brillait sur elle. Kateb Yacine ! Le père de Nedjma ! Il avait alors révéré et souligné le talent d'une écrivaine. La citation de Kateb Yacine, à l'endroit de Yamina Mechaka est significative et éloquente. Et surtout, elle demeure et reste actuelle. Car pas du tout anachronique. Une caution littéraire lourde de sens et sans ambages saluant un talent, un courage, un combat, un défi, une condition, une sensibilité, un cri et l'écrit d'une femme s'étant insurgée, rebellée contre la logique belliqueuse, génocidaire et mortifère du colonialisme français, et ce, dans son roman historique, La Grotte éclatée. «Ce n'est pas un roman. C'est beaucoup mieux». «Démystification de l'homme. S'affranchir du mythe de la mort. L'homme n'est que matière vivante. Une fois mort, il redevient terre. Ces mots tirés de son livre (Yamina Mechakra). L'un des plus prometteurs de la nouvelle littérature algérienne. Un long poème en prose qui peut se lire comme un roman…», consignera Kateb Yacine dans la préface de La Grotte éclatée. Yamina Mechakra couche, au courant de sa plume, un verbe cursif fluide, tourmenté, torturé, écorché vif, et puis d'une immense justesse des mots «bleus». Sa couleur poétique et onirique. Un trait littéraire exhalant l'humus natal, son terroir, sa terre, son pays, sa patrie, l'Algérie. «Je me dis tout bas mon pays et ma maison, ma grotte et ma peine… Je foulais avec douceur la terre brûlante de mon pays… J'arrachais une motte de terre. Je l'emporterai avec moi à Arris. Je la déposerai dans une jarre et j'y planterai des marguerites…», écrit-elle dans la Grotte éclatée. Une déclaration et une déclamation pour son giron natal de Meskiana, des cimes d' Arris, des Aurès. Terre des enfants de Kahina ! Elle a vu son père se faire torturer et mourir… Yamina Mechakra laisse paraître et transparaître une lancinante douleur, une meurtrissure. Dans sa tendre enfance, elle a vu un homme écartelé sur un canon d'un char de l'armée française, exposé dans la rue, Elle a vu son père se faire torturer. Elle l'a vu mourir en lui recommandant de garder la tête haute… «Pour moi, Yamina Mechakra, est une grande figure de la littérature algérienne. C'est la ‘‘Nedjma'' au féminin ! C'est l'une des rares auteures saluées par Kateb Yacine. Elle n'a jamais été honorée de son vivant. C'est quelqu'un de profondément déçu par le milieu intellectuel et par le monde de l'édition aussi bien étatique que privé. Yamina Mechakra, c'est un éclair dans le ciel de la littérature. Et on n'en fait plus des Yamina Mechakra, hormis Mayssa Bey. La Grotte éclatée, un roman-clé dans la littérature algérienne. Je suis profondément, triste et abasourdi par sa disparition» , témoignera Youcef Sayah, le critique littéraire (Papier bavard et Expression Livre, émissions radio et TV). Yamina Mechakra a été adaptée au théâtre à maintes reprises, notamment par Sid Ahmed Ben Aïssa, au Théâtre national algérien. «Aujourd'hui que l'insurrection de l'Aurès enfante sous nos yeux une Algérie nouvelle, il faut lire et faire lire ce livre (La Grotte éclatée), pour qu'il y en ait d'autres et pour que d'autres élèvent la voix. A l'heure actuelle, dans notre pays, une femme qui écrit vaut son pesant de poudre (pas d'or dans la préface)», avait ponctué alors, Kateb Yacine, la préface de La Grotte éclatée . Nedjma brille toujours sur Yamina Mechakra ! Une lueur d'espoir !