L'euphorie passée, les nouvelles chaînes de télévision se trouvent confrontées à la dure réalité économique. Certains professionnels prédisent l'extinction de certaines d'entre elles. Après une année d'existence, les trois chaînes de télévision, Echourrouk TV, El Djazaïria TV, Ennahar TV, sont confrontées à des difficultés de trésorerie. Si Echourrouk TV et Ennahar TV peuvent pour le moment continuer à fonctionner en s'appuyant essentiellement sur la manne publicitaire de leur quotidien, El Djazaïria TV connaît depuis quelque temps de sérieux problèmes financiers. Avec un budget de départ de 700 millions de dinars, la chaîne a été contrainte de faire des économies et de ne pas renouveler les contrats de certaines émissions, comme le programme «Maa Zahra». «C'est vrai que nous avons des problèmes, reconnaît Riad Redjdal, l'un des copropriétaires de la chaîne. Car les programmes de qualité coûtent cher. A la différence des autres chaînes qui abusent de programmes sans décor, El Djazaïra investit dans ses émissions et offre cinq heures de programmes frais à ses téléspectateurs. De plus, on savait depuis le début que nous ne pourrions équilibrer notre budget qu'à partir de 2016.» Cette situation pose le problème de la viabilité économique des nouvelles chaînes. Estimé à plus de 150 millions d'euros, dont 40% sont captés par la télévision, le marché publicitaire algérien est beaucoup moins important que celui du Maroc qui dépasse les 400 millions d'euros. Par ailleurs, ce marché publicitaire reste entièrement dépendant de deux gros annonceurs : la téléphonie et l'automobile qui n'investissent pas en masse, sauf pendant le mois de Ramadhan. «Il est clair que le marché actuel ne peut pas faire vivre trois chaînes de télévision, estime Karim Yamech, directeur général de l'agence Lotus Conseil. Le gâteau n'est pas assez grand pour supporter tout le monde. Une chaîne devra disparaître.» «On est dans une période d'attentisme où les annonceurs se surveillent et attendent de voir, analyse Karim Belazzoug, directeur général de l'agence Havas. Les annonceurs sont par nature prudents.» Par ailleurs, ces nouvelles chaînes sont pénalisées au départ, faute d'avoir obtenu un statut légal qui leur permette de démarcher la publicité publique et de traiter avec les banques algériennes. Cette situation pousse les annonceurs à préférer confier leurs publicités à la télévision publique, l'ENTV, qui apparaît comme un refuge en cette période de doute où l'Etat peut à tout moment siffler la fin de l'aventure. «De nombreux annonceurs du secteur public ne peuvent pas aller sur les nouvelles chaînes, explique l'un des fondateurs de l'agence Lotus Conseil. Car celles-ci n'ont pas encore de statut légal. Cette situation est d'autant plus pénalisante, que parmi les gros annonceurs du marché de la téléphonie, il y a l'opérateur public de téléphonie Mobilis.» Mais pour les professionnels, le marché publicitaire n'explique pas à lui seul les difficultés rencontrées par ces chaînes. Certains pointent du doigt leur manque de professionnalisme. Lancées dans la précipitation pour être les premières à l'antenne, les chaînes ont dû faire face à la dure réalité du fonctionnement d'une télévision, à l'élaboration d'une grille de programmes et au manque de personnel qualifié. «La télévision est un métier, explique Karim Yamech. Malheureusement, les programmes qui sont mis à l'antenne sont souvent de piètre qualité. Les chaînes ont, enfin, un positionnement qui n'est pas clair. Cette situation pousse certains annonceurs à préférer acheter de l'espace publicitaire auprès des chaînes du Moyen -Orient, comme MBC qui bénéficie de l'attractivité des séries turques très regardées par les Algériennes.» La bonne nouvelle, c'est que les chaînes pourront compter sur l'ouverture du capital qui sera rendue obligatoire avec la nouvelle loi sur l'audiovisuel. Cette dernière prévoit de limiter à 30% les parts de chaque actionnaire. El Djazaïria a déjà entamé ses négociations. La mauvaise ? Bientôt deux nouvelles chaînes, celle de Haddad et Atlas TV (voir ci-dessous), s'inviteront à la table pour avoir aussi une part du gâteau publicitaire... déjà trop petit pour trois.