Sauvons nos salles de cinéma ! Cri de colère ou de cœur ? Les deux. Lorsque notre confrère et ami Nourredine Louhal s'en est allé scruter l'état lamentable des salles obscures, qui, de centres de rayonnement culturel, sont devenues des rebuts, fiefs des rats et autres bestioles peu recommandables. Dans sa quête d'en savoir plus, Nourredine, à travers son ouvrage de 275 pages, paru aux éditions FCNAFA, a fait un voyage dans le temps, plein d'enseignements, lui qui a fréquenté les salles de cinéma d'Alger, à l'époque où «Bled Sidi Abderrahmane était si riche, du temps où les salles de cinéma égayaient le quotidien de l'anonyme homme de la rue et brillaient de mille feux sur les rues désennuyées d'El Assima». Alors l'auteur nous transporte de cinéma en cinéma, dans son style si chatoyant. Tout y passe. Dounyazad, Nedjma, El Djamel, Variété, le Français, le Marivaux, Le Monaco, L'Olympia, le Paris, le Sierra Maestra, le Casino, le Marignan, la Perle, le Musset, le Camera, le Plazza, le Midi/Minuit, pour ne citer que ces endroits emblématiques où l'on venait s'abreuver à la culture universelle. L'auteur, qui signe parfois sous le pseudonyme de Nazim Djebbahi, n'y va pas de main morte, pour stigmatiser ceux qui étaient en charge de ce patrimoine et qui l'ont laissé dépérir sans lever le petit doigt. Nourredine dresse un véritable plaidoyer pour tenter de réhabiliter ces salles qui font un peu partie de nous-mêmes. Poussant sa curiosité un peu plus loin, notre écrivain a constaté à ses dépens que la situation n'est guère plus reluisante en dehors d'Alger. A Oran, le Régent n'est plus qu'un souvenir qui vous étrangle à la vue de l'ex-Escurial tombé en désuétude. Les autres édifices sont lotis à meilleure enseigne et il n'est point besoin de les citer pour ne pas boire le calice jusqu'à la lie. Alors que reste-t-il de nos amours ? Faudra-t-il encore évoquer l'état pitoyable du Nunez, du Royal et du Rhumel de Constantine et de toutes les salles autrefois prospères à travers le pays ? Conflit de compétences ou laisser-aller ? Toujours est-il qu'il faudra beaucoup pour sauver nos salles de cinéma. Et dans la post-face de Mohamed Bounaïb, il est bien précisé que «les textes et images proposés ne sont pas faits pour exorciser de sempiternelles nostalgies, de chanter ou de glorifier les neiges d'antan. C'est un témoignage plein de sympathie». A tous les cinéphiles que nous étions, Nazim Djebbahi vient non seulement de nous plonger dans le passé, mais de nous associer au sursaut salvateur espéré par tous.