Les membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) entameront, demain à Vienne, les travaux d'une nouvelle entrevue qui devrait formaliser, sans grande surprise, le maintien de l'actuel niveau de production. La mainmise des pays du Golfe sur l'organisation occulterait la «vraie préoccupation» de l'heure, à savoir l'impact du pétrole de schiste américain sur le marché et les prix. Le ministre nigérian du Pétrole a eu raison de qualifier de «vraie préoccupation» l'arrivée du pétrole américain sur le marché. Une donne qui ne cesse de faire avaler les pires couleuvres aux trois pays africains membres de l'OPEP, l'Algérie, le Nigeria et l'Angola. En 2012, ces trois Etats ont vu leurs exportations de pétrole vers les Etats-Unis chuter de 41%. Les analystes des marchés pétroliers se sont empressés d'avertir les pays les plus fragiles du boom pétrolier américain, à l'image de l'Algérie et le Nigeria en particulier. Ce sont les deux pays qui subissent actuellement les pires effets de la révolution du pétrole de schiste américain. Les Nigérians n'étaient pas aussi durs à la détente que les Algériens. Leur ministre du Pétrole a reconnu aussitôt qu'il s'agit de «la plus grave préoccupation» de voir le pétrole de schiste américain inonder le marché. Les Algériens se bornent au strict calcul des pertes. Les recettes pétrolières du pays ont baissé de 9% au cours des quatre premiers mois de 2013. Les experts d'Oxford Business Group font constater, dans un rapport diffusé hier, que les niveaux de production d'hydrocarbures en Algérie «évoluent à la baisse et cela fait deux ans que la contribution du secteur à la croissance du PIB réel est négative». Si les prix reculent davantage parallèlement à la baisse de la production, le pays aura fatalement la corde au cou. En 2012, le volume des exportations d'hydrocarbures a enregistré une baisse de 1,3%, exacerbée par la crise économique en Europe, après avoir gagné 27,6% en 2011. En valeur, les ventes algériennes de pétrole et de gaz se chiffraient à 71,7 milliards de dollars en 2011 et à 70,8 en 2012. Oxford Business Group, qui a rendu public hier son dernier rapport sur l'Algérie, pronostique un léger fléchissement de la valeur des exportations en 2013 pour atteindre 70,3 milliards de dollars. Sur les champs, l'Algérie produit de moins en moins d'hydrocarbures. La production de brut est passée de 1,29 million de barils/jour en 2011 à 1,27 en 2012. En revanche, la production de gaz reste inchangée, atteignant 1,34 million de barils équivalent pétrole/jour en 2011-2012. Face à la détresse algérienne et nigériane, les pays du Golfe membres de l'OPEP sont jusqu'ici à l'abri des contrecoups du boom pétrolier américain, d'où la satisfaction affichée par les Saoudiens et les Emiratis quant aux niveaux actuels des prix. Une satisfaction qui n'est pas partagée par d'autres pays de l'OPEP, dont l'Iran, le Venezuela et l'Algérie, qui ont besoin de prix élevés du pétrole pour couvrir les dépenses intérieures et compenser la baisse de production. Le FMI a calculé à 121 dollars la rentabilité du baril de pétrole pour l'Algérie. Si tel était le bon calcul, l'équilibre budgétaire du pays serait déjà mis à rude épreuve. L'OPEP est-elle en mesure de surmonter les divergences de ses membres au sujet de l'impact du pétrole US sur l'offre mondiale et les prix ? L'enjeu est grandeur nature.