La préparation de la conférence de Genève 2 dont les débats seront présidés par l'émissaire de l'ONU, Lakhdar Brahimi – destinée à déboucher sur une solution politique du conflit syrien – s'avère complexe et compliquée l Composition des délégations syriennes (opposition et gouvernement) ; liste des invités, sort de Bachar Al Assad : autant de sujets qui posent problème et qui font divergence entre les parties. Paris (France) De notre correspondante La date du 10 juin, d'abord avancée mais non officialisée, pour la tenue de cette conférence à l'initiative des Américains et des Russes, semble, du fait de ces obstacles, compromise. L'ONU a annoncé jeudi soir la tenue d'une réunion préparatoire le 5 juin à Genève entre représentants des Etats-Unis, de la Russie et des Nations unies, pour aplanir les difficultés qui freinent l'organisation de la conférence. La conférence dite de Genève 2 aura pour fondement l'accord de Genève 1 du 30 juin 2012, qui avait rassemblé les cinq membres permanents du Conseil de sécurité – Etats-Unis, Chine, Russie, France et Grande-Bretagne – des représentants de pays de la Ligue arabe, de la Turquie et de l'UE, rappelle Paris, qui ne veut pas être en reste de cet important rendez-vous, après avoir joué un rôle de premier plan à Genève 1. La France considère en effet que le point de départ de Genève 2, c'est Genève 1 et qu'il ne s'agit pas de rouvrir la discussion qui a déjà eu lieu et qui a fait l'objet d'un accord international sous les auspices du secrétaire général des Nations unies. Autrement dit, les participants à la future conférence doivent reconnaître l'acquis de Genève 1, ce qui n'est pas le cas de l'Iran, dont la participation à la table de discussions, est rejetée tant par Paris que Washington. Objectif de Genève 2 L'objectif de la conférence, du point de vue français, est d'aboutir à la création d'une autorité de transition qui engagerait un processus constitutionnel, des élections, pour qu'il y ait au final un vrai changement de régime, avec un transfert complet des pouvoirs exécutifs. Ce qui implique les pouvoirs d'autorité sur les forces armées et sur les services de sécurité. Comment faire cette conférence ? Selon quelle formule ? Quel format ? La question est ouverte et les échanges se poursuivent. Différents formats seraient en discussion. Les Russes proposent la création de groupes de travail, les Américains réfléchissent, de leur côté, au meilleur format, Paris n'est pas très favorable à ce genre de solution parce que «cela risque de prolonger les débats», de «diluer les priorités». «Les choses avancent lentement, c'est un exercice extrêmement difficile, surtout à la lumière de ce qui se passe sur le terrain», indique-t-on de source diplomatique française. Français, Américains et Britanniques seraient d'accord sur le transfert de tous les pouvoirs, y compris exécutifs à l'instance de transition. Pour Paris, le futur texte devra mentionner explicitement que «pleins pouvoirs» signifie le contrôle sur l'appareil sécuritaire et de défense aux mains du chef de l'Etat syrien. Cette mention ne figurait pas dans le communiqué final de Genève 1. Les Russes, qui ont signé le communiqué de Genève 1, ne sont pas sur cette nouvelle ligne. Une opposition multiple et divisée La réunion de l'assemblée de la Coalition de l'opposition syrienne, ouverte le 23 mai à Istanbul, s'est finalement achevée jeudi soir avec l'annonce de son élargissement à une quarantaine de nouveaux membres et le report de l'élection de son nouveau président à la mi-juin. Les nouveaux venus représentent notamment l'état-major de l'Armée syrienne libre et les groupes à l'origine de la contestation contre le régime du président Bachar Al Assad. Tout au long de la réunion, les deux principaux parrains financiers de la coalition, le Qatar et l'Arabie Saoudite, se sont livrés à une guerre d'influence pour son contrôle. Cette réunion avait trois objectifs : élargissement de la coalition qui représente un enjeu capital dans le sens d'une plus grande représentativité de la diversité syrienne du point de vue confessionnel, politique, faire une plus grande place aux démocrates laïques, à la représentation de l'Armée syrienne libre. Le second objectif était relatif à l'élection du nouveau président de la coalition. Quatre noms sont souvent cités, dont celui de Bourhan Ghalioun. Le troisième objectif consistait à définir et à se mettre d'accord sur un mandat des négociations dans la perspective de Genève 2. Al Assad sera-t-il dans le casting de Genève 2 ? Le régime Assad a donné son accord de principe à cette conférence, tout en refusant toute condition et sans communiquer la composition de la délégation qui ira à Genève. Les divergences d'appréciation sur l'avenir d'Al Assad se sont exprimées dès la sortie de Genève 1, indique-t-on de source diplomatique française. La Coalition nationale syrienne (CNS) exige, quant à elle, que toute solution politique implique le départ du président Assad et des membres de son régime les plus impliqués dans les violences. Jugeant ces conditions «irréalisables» le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a accusé jeudi l'opposition syrienne de saper la conférence de paix internationale. La question de la levée de l'embargo sur les armes Paris est convaincu que l'Iran n'a aucun intérêt à souhaiter le succès de la conférence de Genève, et a toutes les raisons de penser que l'Iran fera son possible pour faire se rejoindre la question syrienne et la question nucléaire en utilisant en quelque sorte cette conférence comme un levier dans la négociation que les Iraniens ont avec les 5 + 1. Pour Laurent Fabius l'exclusion de l'Iran de Genève 2 est une condition du succès de Genève. «C'est un peu introduire le loup dans bergerie», ajoute-t-on de source diplomatique. La position américaine est similaire à celle de la France. Le secrétaire général de l'ONU souhaite, lui, qu'il y ait l'Iran. La Russie aussi. Comment trouver un compromis ? Les Américains réfléchissent toutefois à d'autres scenarios associant les Iraniens, sans qu'ils soient à la table de discussion. La réunion qui s'est tenue lundi 27 mai à Bruxelles a débouché sur l'adoption d'une déclaration politique qui dispose que l'embargo sur les armes est levé dans le contexte européen, mais que chaque pays est lié par sa législation nationale en matière d'exportation, précise-t-on de source diplomatique française. Ce qui impose toutefois la mise en œuvre d'un certain nombre de critères, notamment ceux de la traçabilité, de destinataire final et des critères généraux que s'applique l'UE à elle-même, soit que «les livraisons d'armes ne doivent pas concourir à alimenter un conflit. On reste dans l'idée que cette levée de l'embargo est d'abord destinée à la protection des populations». «L'embargo sur les armes est levé, ce qui ne signifie pas livraison immédiate des armes», indique-t-on. «Il ne faut pas que la levée de l'embargo sur les armes complique la mise en place de Genève 2, nous savons que Genève 2 sera très compliquée, au contraire, pour nous, lever l'embargo n'est pas antinomique de la solution politique. C'est un point sur lequel Français et Américains sont sur la même longueur d'onde. Il faut maintenir une forme de pression sur le régime de Damas», ajoute-t-on de même source. L'accord, précise-t-on encore, a pour avantage d'encadrer et de réglementer la levée de l'embargo prise à 27. Sauf que la déclaration adoptée par les 27 liés politiquement, les Etats membres, n'a pas de portée juridiquement contraignante. C'est le compromis entre les ministres. Armes chimiques D'ici au 1er août, date fixée par les ministres de l'UE pour réexaminer la situation à la lumière du rapport de Mme Ashton, les sanctions contre Damas continuent à l'identique. En effet, la réunion du 27 mai des ministres de l'UE a entériné la reconduction de toutes les sanctions à caractère économique, financier, bancaire, précise notre source. Les ambassadeurs au Conseil permanent, à Bruxelles, travaillent sur un texte qui doit porter sur la prorogation du dispositif de sanctions. Laurent Fabius a déclaré, mardi et mercredi derniers, que les présomptions d'usage d'armes chimiques par Damas, au moins à un niveau local, sont de plus en plus étayées. Mais la prudence est de mise parce que, d'abord, il n'est pas simple de faire des prélèvements, de sortir des échantillons de Syrie, et les échantillons sont de qualité diverse. «Nous souhaitons alimenter la commission des Nations unies qui est chargée de cette mission mais dont les travaux sont bloqués parce que le gouvernement de Damas lui refuse l'accès sur le territoire syrien. Mais rien ne l'empêche d'aller dans les pays voisins et de rencontrer des médecins, des personnes qui ont été blessées.» «Lorsque nous aurons des indices solides pour attester l'emploi d'armes chimiques, ce sera un nouvel élément politique extrêmement important sur lequel nous pourrons nous appuyer pour obtenir une forme d'accord international qui n'existe pas par ailleurs», indique-t-on de source diplomatique.