Douf ! Douf ! Douf !...Oh le joli son de la basse ! Que de rythmes ! Un régal ! Une orgie de cadences, de tempos et de percussions ! Que ceux qui, comme moi, vivent encore bercés par les ténors et pionniers du jazz, Bechet, Mile Davis, Louis Armstrong, Duke, etc., doivent se réveiller et écouter les jeunes d'aujourd'hui qui, s'ils ont encore à apprendre, (car on n'apprend jamais assez), vous coupent le souffle et vous font, avec leurs particularités rythmiques et leurs improvisations, parfois méditer certes, mais assurément danser, remuer, trémousser, gigoter sur le siège ! A tout le moins, battre la mesure avec la crâneuse batterie et/ou les têtus bongos et le son grave de la contrebasse ou de la guitare basse... Comme la guitare basse de Amar Zahi, le bien nommé, le truculent bassiste de Sinouj, premier groupe à se produire le premier jour du festival, soit le 29 avril. Un groupe fondé par feu Aziz Djemame, batteur de grande classe, décédé le 23 juillet 2005 des suites d'une subite maladie et auquel est dédiée cette 4e édition du festival, dont il est à l'origine de sa création. Les morceaux de Sinouj constituent un suave patchwork de jazz et de rythmiques locales. Avec un art consommé, on a su marier sans heurt et sans rejet, mieux, avec une sensualité perceptible, les circonvolutions et arabesques du violon avec les percussions. A la batterie Kikim Mechaâr, on perçoit avec curiosité du heddaoui. Et avec le soliste Kheireddine Dahkal, et le ténor saxophoniste, l'Espagnol Pablo Hernandez, le groupe fait sourdre un air targui et un autre non moins nostalgique du malouf. Arbi Sassi, s'arc-boutant sur le violon, lui tirant des trésors orientaux pour donner le la au saxophoniste, constitue à lui seul un spectacle prodiguant un plaisir incommensurable. Avec jazzworkers et à leur tête Mourad Benhammou, un Français d'origine algérienne, nous avons à écouter le jazz classique. Intitulée Near east the moon, la ballade au son langoureux de la trompette de Fabien Marie a été une immense extase. Une prodigieuse vigueur et une sincérité étalée tout au long de leur concert, se dégagent de la musique des jazzworkers, un jazz selon le répertoire traditionnel, mais le percussionniste chanteur nous chantera des airs connus, empreints d'une inflexion non moins orientale. Ce qui constitue l'autre version du groupe créée par Mourad Benhamou, jazzworkers extension. Jazz flop et jazz blues. Ils sont quatre et ils ont tout juste 20 ans Gael (batterie), Jean Gastien (trompette), Nathan (piano) et enfin Thomas (contrebasse), et ils vous en donnent des tons, d'abord avec la dénomination du groupe Traîne Savates. Se produisant en premier lors de la deuxième soirée, ils ont laissé plus d'un pantois. Cette fraîcheur et cette jeunesse engendrent de tels morceaux ! Ils creusent un créneau portant le titre révélateur de jazz-flop. Oui, ils « flopent », balancent entre le rock-électro et des envolées de jazz. Ils ont commencé ensemble dès le primaire dans le cours de musique, puis tout au long de leur cursus dans la ville de Tours, nous disent-ils. Admirateurs de Eric Truffaz et Miles Davis, ils se sont retrouvés en train de farfouiller dans le jazz. Ils ont à leur actif plusieurs compositions à n'en plus compter. Avec des morceaux aux titres évocateurs Noctampitt Bull, Symdrome Bip..., ils ne lâchent pas le morceau ! Ils nous apprendront qu'ils vont sortir bientôt, soit début juin, un album intitulé Washing Machine, leur premier album, dont ils ont joué une partie. Après ce jeune groupe, c'est au tour de Hugo Lippi de casser la baraque, avec son Organic Trio, en compagnie de Mourad Benhamou (encore lui !) à la batterie et Florent Gac à l'orgue (un genre de condensé d'orgue de Jimmy Smith, selon le mot de Mourad Benhamou, la preuve, on en a entendu des airs). Né en 1977, Hugo Lippi, dès l'âge de 10 ans, se met à gratter les fils d'une guitare et à 17 ans, il joue déjà dans des groupes professionnels. Il devient l'un des meilleurs guitaristes puisque ayant enregistré avec les musiciens les plus en vue de Paris ; on peut en citer Alain Jean-Marie et Emmanuel Bex. Comme il a participé à plusieurs festivals, Juan Les Pins, Marciac, Clermont Ferrand, etc. Son groupe fait dans une sorte de jazz imprégné de blues. Mais le top des tops, c'est lorsque deux musiciens de Jazzworkers, le trompettiste Fabien Marie et le saxophoniste David Sauzay, seront intégrés au trio et improviseront un très beau morceau intitulé The cat. Il en sera tout autant, lorsque Arbi Sassi, le violoniste du groupe Sinouj, sera invité par Hugo Lippi pour lui donner la réplique à sa guitare. Un festin de bonnes notes ! Y a pas que le malouf ! Visiblement connaisseur, le public s'en est donné à cœur joie. Nombreux ont été les jeunes qui ont assailli le Théâtre régional de Constantine, qui s'est avéré exigu. Ils étaient aux anges et ont ovationné à chaque fois les prestations des musiciens, en réclamant parfois l'un d'entre eux avec insistance. On a scandé les noms de Mourad Benhamou et Arbi Sassi. Comme quoi, y a pas que le malouf ! S'étalant du 29 avril au 5 mai, la 4e édition du festival DimaJazz est placée sous le haut patronage de Mme la ministre de la Culture et du wali de Constantine. Et c'est l'association Limma qui l'organise. Douze groupes animeront les soirées et parmi les musiciens les composant, l'on a compté quartorze nationalités. Parallèlement aux soirées, des Masterclass, (des classes de maître) sont organisées tous les jours au palais de la culture Malek Haddad, regroupant des musiciens avec les jeunes amateurs de jazz. Selon le programme, deux groupes devaient donner leur concert hier, Bzzz Pük et Aka Moon. Bien qu'ayant parrainé le festival, l'on trouve anormal que ni Mme la ministre, ni le wali de Constantine ne l'ont honoré de leur présence, du moins à l'ouverture. But, dima jazz, always jazz, then, let the music play !...