La reprise par Cevital d'une PME française en difficulté marque un tournant dans la stratégie de développement du groupe privé. Même si on ne veut toujours pas user du vocable de multinationale, l'on parle au sein du groupe Cevital de la création de synergies nouvelles à l'international. Le fait est que le cas de rachat par la filiale internationale de Cevital, MFG, du fabricant européen de portes et fenêtres en PVC Oxxo, illustre parfaitement ce modèle de synergie amont-aval. Car il faut le préciser, MFG est producteur de verre plat ; il produit 600 tonnes par jour, dont 70% sont destinés à l'exportation. MFG compte aussi porter sa production à fin 2014 à 1400 tonnes /jour. De son côté, Oxxo est acheteur de verre plat ; il en achète d'ailleurs pour 6 millions d'euros par an. Oxxo représente ainsi un débouché pour le verre de MFG, mais ouvre aussi un accès privilégié au marché européen. Cevital compte également sur une synergie horizontale et technologique entre Oxxo et l'unité de PVC que le groupe compte ouvrir en 2014 à Bordj Bou Arréridj avec une capacité initiale de 700 000 unités, laquelle atteindra 2,1 millions d'unités avec l'entrée en activité de 3 lignes de production. Mais au-delà de l'aspect technique de la chose, le groupe se projette comme un acteur global. Pour Issad Rebrab, l'enjeu est d'autant plus important que la politique qui se profile actuellement pour Cevital est d'investir au niveau régional, car être compétitif à l'international est le meilleur moyen de défendre le marché local. Il estime aussi que les entreprises algériennes devront désormais toutes rechercher ce type de synergies, car les défis auxquels devra faire face l'Algérie à l'avenir seront importants. Il cite à ce titre trois défis majeurs. Il s'agit en premier lieu du défi de l'emploi car 10 millions de nouveaux demandeurs d'emploi arriveront sur le marché d'ici 2020. Le second défi est, selon l'industriel, démographique car à l'horizon 2025, la population algérienne devrait atteindre les 50 millions. Et dans ces courtes échéances, avec une demande interne en constante augmentation, il y aura certainement moins de pétrole et de gaz à exporter. Ce qui fait dire à M. Rebrab qu'il est impératif et dès aujourd'hui prendre des précautions afin de diversifier nos ressources, si l'on ne veut se retrouver dans une situation de cessation de paiement. Une diversification qui passera par l'agriculture et l'industrie. Le troisième défi auquel devra faire face l'Algérie est celui de la sécurité alimentaire. A ce titre, le patron du groupe Cevital rappelle que les stocks mondiaux de produits alimentaires n'ont jamais été aussi bas et que les prix des produits de base ne cessent d'augmenter. Situation qui risque de s'aggraver à l'avenir avec la pression exercée par la demande en augmentation constante en provenance des pays émergents tels que la Chine, l'Inde ou le Mexique. Destination : la Corne de l'Afrique Il estime dans ce sens que l'Algérie devra impérativement sécuriser ses approvisionnements, d'abord en produisant localement certains produits comme les graines oléagineuses en substitution de la jachère. Mais aussi en allant produire ailleurs des produits nécessitant d'énormes ressources hydriques pas toujours disponibles dans un pays semi-aride comme l'Algérie. C'est le cas notamment du sucre, qui nécessite 120 DA d'eau pour la production d'un kilo. Issad Rebrab estime ainsi que les autorités devraient autoriser les opérateurs économiques algériens à aller investir dans des pays africains comme le Soudan disposé à les accueillir, l'Ethiopie considéré comme le château d'eau de l'Afrique, la Tanzanie ou encore le Mozambique qui disposent des terres et des ressources hydriques nécessaires pour ce genre de cultures. Il précise ainsi que ce genre de solutions présente divers avantages : éviter à l'Algérie de subir les fluctuations des prix sur le marché des produits de base et lui permettre par la même occasion de sécuriser ses approvisionnements. Et d'ajouter que les investissements internationaux d'entreprises algériennes permettront de générer de nouvelles ressources en devises pour le pays. L'industriel qui s'estime d'accord avec le fait que l'Algérie ne doit pas gaspiller des devises issues de l'exportation d'une ressource fossile, donc non durable, pense cependant qu'il faut les faire fructifier au lieu de les placer dans des titres souverains à rendement négatif. Il estime aussi que les autorités devront désormais faire confiance aux entreprises algériennes génératrices de devises, les autoriser à investir à l'international, en faire des entreprises compétitives susceptibles d'être leur porte-drapeau à l'international.