Le président Bouteflika a eu un avocat impénitent en la personne de Rached Ghannouchi, le leader du mouvement islamiste tunisien Ennahdha au pouvoir. Cela se passait lundi sur le plateau d'une chaîne de télévision algérienne où le chef spirituel du mouvement islamiste Ennahdha, invité par le MSP pour prendre part à un forum sur la commémoration de la mort de Mahfoud Nahnah, s'était fait le défenseur zélé du président Bouteflika. Outrepassant les règles de neutralité et de bienséance politique, il n'a pas craint de se poser presque en arbitre et juge en lieu et place du Conseil constitutionnel dans la polémique autour de la maladie du président de la République et de l'idée de l'application de la procédure d'empêchement invoquée par des milieux politiques en Algérie. Sans s'embarrasser outre mesure de faire ombrage à ses alliances avec le parti islamiste algérien hôte, qui ne partage pas son analyse sur ce dossier. Bien que ne cachant pas son soutien idéologique et politique au MSP dont il caresse le rêve de le voir suivre la voie tracée par Ennahdha d'accéder au pouvoir, apportant sa caution à une éventuelle candidature à Abderrazak Makri, Ghannouchi, en fin politique, n'a pas hésité à mettre ses deux fers au feu en volant au secours de Bouteflika. «L'Algérie a un président qui est à sa place et qui gère les affaires du pays, possède des institutions qui fonctionnent. Il n'y a pas de vacance de pouvoir. De ce fait, les appels de certains milieux en vue de trouver un autre président au pays sont hors de propos», a commenté le chef d'Ennahdha avec un sourire malicieux en coin. Autre temps, autres mœurs. Oubliées les déclarations particulièrement violentes du leader d'Ennahdha reprochant aux autorités algériennes, au plus fort de la révolution du Jasmin en Tunisie, leur soutien au régime de Ben Ali. C'est que l'aide et l'expérience de l'Algérie sont précieuses pour le nouveau régime tunisien confronté à l'instabilité politique, institutionnelle et au terrorisme. Il sait qu'avec ou sans Bouteflika, le pouvoir en place a encore de beaux jours devant lui. D'où cette lune de miel avec les autorités algériennes qui le lui rendent bien, voire plus que de raison, comme pour faire acte de repentance auprès du cheikh, pour se faire pardonner les hésitations passées. On a beau chercher dans les archives des accueils protocolaires réservés aux chefs de parti qui ont effectué des visites dans notre pays au cours de ces dernières années, on n'a pas souvenir d'un responsable politique pour lequel l'Algérie a déployé un tel tapis rouge, comme celui auquel a eu droit M. Ghannouchi ! Officiellement hôte du MSP, il a été reçu presque en chef d'Etat. Audiences avec les présidents du Sénat, de l'APN, le Premier ministre M. Sellal. Bouteflika aurait été, lui aussi, sans doute honoré de le recevoir au palais d'El Mouradia, n'était sa maladie ! Quelques mois seulement auparavant, une grosse pointure du parti socialiste français, Francois Hollande, ancien premier secrétaire devenu par la suite président de la République française, visitait l'Algérie à la veille des élections présidentielles à l'invitation du FLN. Son agenda fut limité à une audience au siège de ce parti et à une visite de courtoisie au journal El Watan. La prospective politique est loin d'être un domaine où nos gouvernants excellent particulièrement.