Comme chaque année, le début de la saison estivale est toujours marqué par le débat sur les résultats de la campagne céréalière. Cette année, sans déroger à la règle, des échos mitigés parviennent des différentes régions du pays concernant les rendements en la matière. Entre la wilaya de Bordj Bou Arréridj où, par exemple, les services agricoles tablent sur une récolte de 1,7 million de quintaux et Oum El Bouaghi, wilaya déclarée sinistrée après la décimation de la quasi-totalité des cultures par la sécheresse, l'écart est flagrant. Cependant, si l'on ne se contente pas d'apprécier la céréaliculture algérienne au gré des bilans qui fluctuent d'une saison à une autre, il s'avère que la problématique de la filière est beaucoup plus profonde et nécessite, faut-il le réitérer, une nouvelle vision à long terme. Globalement, les besoins en céréales et produits céréaliers de l'Algérie avoisinent les 90 millions de quintaux par année. Avec une consommation moyenne par habitant estimée à 240 kg/an, les céréales constituent l'aliment de base de la population, estimée à 37,9 millions d'habitants en mars dernier, (ONS). La production locale se situe à un niveau de 50 millions de quintaux si l'on tient compte de la moyenne de la période enregistrée ces cinq dernières années. Face aux besoins exprimés, les pouvoirs publics ont recours au marché international pour combler le déficit. Avec des importations moyennes de 50 millions de quintaux/an, l'Algérie est parmi les principaux importateurs de céréales dans le monde, notamment pour ce qui est du blé tendre et du maïs. A court terme, le budget de l'Etat n'éprouve pas de difficultés à supporter la facture des importations qui est de 4 à 5 milliards de dollars par année, voire plus durant les conjonctures de flambées sur le marché international. Les dépenses alimentaires sont, en effet, exclusivement couvertes par les recettes pétrolières connaissant actuellement une appréciation historique. Eviter les situations de crise En revanche, à long terme, les potentialités énergétiques du pays baisseront sensiblement, sachant que les réserves pétrolières entameront une phase de déclin à partir de 2030, selon les études menées en la matière. C'est à partir de là que les incertitudes guetteront la sécurité alimentaire du pays lorsque le budget de l'Etat ne sera plus en mesure de supporter la facture des importations. De ce fait, l'intensification de la production locale est l'unique alternative pour continuer à garantir la disponibilité de produits céréaliers et éviter une situation de crise alimentaire à la population qui, tenant compte du rythme de croissance démographique actuel, sera de 40 millions d'habitants en 2020. Pour parvenir à mettre en place cette solution, le défi primordial à relever est l'amélioration des rendements. Il faut noter que la superficie agricole mobilisée annuellement pour la céréaliculture est de 3,3 millions d'hectares, mais, faute de techniques culturales modernes, les rendements demeurent faibles, avec une moyenne de 17 quintaux/hectare seulement, soit une production totale de 50 millions de quintaux/an, toutes céréales confondues. Pour subvenir aux besoins des 40 millions d'habitants à l'horizon 2020, la disponibilité en céréales doit être de près de 100 millions de quintaux. Pour atteindre ce niveau de production, les rendements à l'hectare doivent impérativement être doublés pour atteindre au moins 30 à 32 quintaux/hectare. La politique à mettre en place pour parvenir à améliorer les rendements doit être basée essentiellement, d'un côté, sur le développement des périmètres irrigués qui, à présent, représentent moins de 15% de la SAU (surface agricole utile), avec 1 million d'hectares sur les 8,5 millions de SAU. A cet égard, les politiques publiques doivent miser sur le renforcement des capacités de mobilisation des eaux de surface, à travers la construction de nouveaux barrages, et la modernisation des moyens de drainage selon de nouveaux procédés. De l'autre côté, il est nécessaire d'orienter les agriculteurs spécialisés dans la production céréalière vers l'utilisation des produits phytosanitaires et fertilisants divers afin d'atteindre l'objectif de l'intensification des productions. Actuellement, avec une moyenne de moins de 20kg/hectare seulement, les engrais sont faiblement introduits dans la production agricole en Algérie, ce qui place le pays très loin derrière des pays voisins comme le Maroc. ou la Tunisie.