La Constitution est au-dessus de tous (…) protège la règle du libre choix du peuple (…).» Incantatoire, la formule baveuse énoncée dans le préambule de la Constitution ne suscite pas moins l'hilarité. L'hilarité populaire tant la triarchie du pouvoir (la Présidence, l'Armée et les Services de renseignement) viole, régulièrement, suivant le rite infâme de la «tournante» et le «libre choix du peuple» et la «souveraineté du peuple», et le «peuple» lui-même comme «chapitre» de cette même Constitution, couvert, certes, de cinq généreux articles mais traité néanmoins comme la cinquième roue du carrosse. A neuf mois de la présidentielle (avril 2014), élection à l'échéancier aussi intenable qu'improbable, la guerre de succession fait rage. Manœuvres, tractations, rumeurs et ballons-sondes meublent le quotidien des Algériens, peuple «déposé», interdit de l'exercice de sa souveraineté. «Le peuple est la source de tout pouvoir», prétendait pourtant l'article 6 de la Constitution. Croyant mais pas pratiquant, Abdelkader Bensalah, président du Sénat, secrétaire général par intérim du Rassemblement national démocratique (RND), se montre partisan du primat de la règle du plébiscite mondial sur le libre choix du peuple. «L'année passée, se confiait-il aux membres du conseil national du RND (El Khabar, édition 22 juin) : j'ai sillonné presque toutes les capitales mondiales, tout le monde ne parle que de Bouteflika, de ses réalisations, du développement du pays (insufflé sous sa conduite).» «Pourquoi nous ne continuerons pas (avec lui) ?», s'interroge, envers et contre la plèbe, le deuxième homme de la «République». Piaffant d'impatience de devenir, un jour proche, calife à la place du calife, Bensalah dans les starting-blocks, malgré le handicap de sa nationalité acquise, ne se joindra pas moins à la meute de «brailleurs» indécents pour un quatrième mandat au bénéficie du vrai-faux «séquestré» des Invalides, l'«exilé» médical, Abdelaziz Bouteflika en l'occurrence, président, depuis Paris… de la République algérienne ! Des incubateurs du pouvoir sortent de grosses fournées de «présidentiables» candidats du «système», du «consensus» et énième «transition». Certains le sont malgré eux, contraints et forcés, comme l'ancien président Liamine Zeroual, d'autres «à l'insu de leur plein gré», sortis des écuries du «système». L'échiquier regorge de pions : Sellal, Zeroual, Benflis, Hamrouche, Benbitour annonçant une succession verrouillée d'avance, une reconduction ad vitam aeternam du barbant scénario de l'alternance clanique. «Bouteflika n'est pas mort politiquement», dixit Amar Ghoul, ministre du clan présidentiel dont la mort clinique a été prononcée avant l'heure (in El Khabar, édition du 23 juin). Affaibli mais pas défait, le «clan» dirigé depuis la capitale française par Saïd Bouteflika, frère et conseiller du Président, contre-attaque, rassure sa clientèle et ses thuriféraires sur ses capacités à peser dans les minutes de la succession. Des candidats pour «sécuriser» l'après-Bouteflika «Le président Bouteflika n'est pas finissant», renchérit Amara Benyounès, ministre de l'Aménagement du territoire, et patron de Mouvement populaire algérien (MPA). Parti en pole position pour «sécuriser» l'après-Bouteflika, Abdelmalek Sellal, le Premier ministre, même sans étoffe ni envergure présidentielle, semble bénéficier aussi bien des faveurs du clan des prétoriens de la présidence que de ceux de l'armée. Une armée qui réitère, sans convaincre, son caractère «républicain», sa vraie fausse neutralité et son «dévouement» au président de la République, chef suprême des armées (communiqué de l'ANP). Dans un entretien publié hier par Mon Journal, Khaled Ziari, ancien officier supérieur de la DGSN, donne du crédit à la thèse Sellal, successeur potentiel. Le Président a annoncé, selon lui, la couleur Sellal en le désignant comme Premier ministre dans un premier temps pour passer ensuite, en fonction des modifications à apporter à la Constitution, à la seconde phase, sa nomination comme vice-président. «Le moment venu, ajoute-t-il, il aura évidemment, l'appui du FLN et celui du RND, mais aussi des petits partis parasitaires, comme TAJ et le MPA. Et dans tout cela, le rôle du chef d'état-major de l'ANP, Gaïd Salah, bras droit et soutien inconditionnel du Président, sera déterminant car, à défaut du DRS, c'est une grande partie des généraux des services opérationnels et techniques de l'ANP qui est acquise à Sellal.» Seul à n'avoir pas encore affiché sa préférence et marqué au fer rouge son poulain, le DRS, le Département du renseignement et de la sécurité prend le temps avant d'abattre son joker. Sans candidat déclaré, le «clan du peuple», lui, devra se contenter de l'article 6 et de ce que les «dieux de l'Algérie» ont bien voulu décider pour et contre lui.