Entre 1999 et 2012, les transferts sociaux financés par le budget général de l'Etat ont atteint plus de 11 300 milliards de dinars, soit 156 milliards de dollars, ce qui représente près de 10% du produit intérieur brut. La politique de subventionnement massif de l'Algérie n'est plus soutenable ni profitable dans un contexte de la diminution de la production des hydrocarbures et celui de la fluctuation du marché pétrolier international. C'est le constat dressé hier par les participants à l'atelier-débat organisé par le Forum des chefs d'entreprises (FCE) et consacré à l'évaluation des politiques de subventionnement. «Certaines subventions ne sont pas réfléchies. Elles ont été prises sous la contrainte», a indiqué le consultant Mahrez Hadj Seyed. Entre 1999 et 2012, les transferts sociaux financés par le budget général de l'Etat ont atteint plus de 11 300 milliards de dinars, soit 156 milliards de dollars, ce qui représente près de 10% du produit intérieur brut (PIB) et plus d'un quart du budget général de l'Etat, selon un rapport du FCE présenté par Hadj Seyyed. Ces transferts ont été multipliés par 7,5 entre 1999 et 2012, passant de 254 milliards de dinars en 1999 à 1863 milliards de dinars en 2012. Ce montant n'inclut pas les subventions implicites ou indirectes, non budgétisées, qui représenteraient environ 17% du PIB uniquement en 2010. Parmi les transferts sociaux budgétisés, les aides aux ménages représentent environ 26%, passant de 54 milliards de dinars en 1999 à 96 milliards de dinars en 2005, soit une hausse de 78%, puis à 424 milliards de dinars en 2012, soit une augmentation de 342%. Les seuls soutiens aux prix du lait et des céréales ont représenté plus de 40% des aides à cette catégorie sociale entre 2006 et 2012. Les subventions des prix du lait et des céréales ont été multipliées presque par 20 entre 2006 et 2012, en passant de 11 milliards de dinars à 216 milliards de dinars. Rien que pour l'année 2011, la subvention de soutien des prix des mêmes produits a atteint le plus haut niveau avec 279 milliards de dinars, soit près de 4 milliards de dollars. Les subventions aux prix de l'énergie, sous forme de rachat de dettes des entreprises fournisseuses, ont atteint 800 milliards de dinars (10,59 milliards de dollars), soit 6,6% du PIB, réparties en 150 milliards de dinars (2,13 milliards de dollars) pour l'électricité et 650 milliards de dinars (8,46 milliards de dollars) pour les carburants. Dans la région MENA, l'Algérie arrive à la troisième place, totalisant près de 50% de l'ensemble des subventions mondiales à l'énergie. D'autres secteurs, habitat, transport et santé, bénéficient aussi de subventions implicites. Alternatives Pour l'expert Hadj Seyed, ces subventions ont un impact «peu perceptible» sur la population et sa suppression induirait au moins 3 points de plus d'inflation. Cet état des lieux est «préoccupant», juge, de son côté, Farid Yaici, docteur d'Etat en sciences économiques à l'université de Béjaïa. Cette politique de subventions tous azimuts n'est plus, selon son avis, soutenable à terme, d'autant plus les hydrocarbures ne sont pas épuisables. Celui-ci plaide pour la «nécessité» d'une évaluation «objective» de la politique des transferts sociaux financés par le budget général de l'Etat et des subventions implicites, non budgétisées, depuis l'achèvement du programme d'ajustement structurel. En guise d'alternatives, Farid Yaici cite la réaffectation, dans le cadre d'«un programme réfléchi et d'une démarche progressive», du subventionnement appliqué jusque-là aux produits importés, vers les entreprises nationales de manière à les rendre compétitives. «Les subventions doivent être ciblées, temporaires et efficaces», explique-t-il. D'après lui, un programme-pilote peut être appliqué à la branche de la production laitière et céréalière avant d'être généralisé à d'autres segments de la production nationale. Il évoque aussi le scénario selon lequel l'Etat pourrait subventionner les entreprises les mieux classées afin de les aider à placer leurs produits à l'exportation. Par contre, précise-t-il, les politiques de subventionnement ne devraient pas être détournées de leur objectif premier. Outre un ciblage précis des ménages précaires, Mahrez Hadj Seyed recommande, quant à lui, la mise en place d'une caisse qui devra compenser au prix du marché toutes les entreprises publiques et privées qui participent au soutien des prix. Pour le président du FCE, Rédha Hamiani, le système d'importation est «biaisé» et le soutien des prix «profite aux pays voisins et aux riches». «Nous finançons la production des pays étrangers. C'est insupportable», regrette-t-il, en affirmant qu'il est temps de réfléchir «collectivement aux voies et moyens pour la (subvention, ndlr) rendre plus rationnelle et plus efficace pour qu'à terme, elle ne soit pas un fardeau que nul ne pourra supporter». Néanmoins, poursuit-il, «il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause la politique sociale actuelle de l'Etat» ou de «demander sa suppression». La solution, selon lui, serait d'engager une démarche collective afin de «mieux orienter le subventionnement au service du développement économique et social».