Installé depuis un an comme premier président égyptien élu au suffrage universel, Mohamed Morsi fait face depuis plusieurs mois à un très vaste mouvement de protestation. Ghaza De notre correspondant Des millions de citoyens égyptiens sont sortis, hier, dans la rue pour lui demander de quitter le pouvoir et d'organiser des élections anticipées. D'un autre côté, des centaines de milliers de manifestants, appartenant à la mouvance islamiste et qui lui sont favorables, se sont rassemblés à la place Rabaa El Adaouiya, à quelques kilomètres seulement de la célèbre place El Tahrir, occupée par ses opposants. Cette grande polarisation ajoutée aux slogans appelant au recours à la violence «pour défendre la légitimité des urnes» fait craindre le pire. Si par malheur la violence éclate, c'est tout l'Etat égyptien qui risque en effet d'imploser. Mais d'ores et déjà la crise égyptienne commence à se ressentir très fortement dans la bande de Ghaza, qui depuis l'instauration du blocus par Israël n'a survécu que grâce à la «grande sœur» égyptienne. Lorsque Hosni Moubarak était encore au pouvoir, Le Caire avait toujours fermé l'œil sur les centaines de tunnels creusés sous la frontière avec l'Egypte par les Palestiniens. Depuis 2007, lorsque le mouvement Hamas a pris le contrôle en solo de l'enclave palestinienne, c'était par le biais de ces véritables boyaux souterrains que les Palestiniens s'approvisionnaient en marchandises de toutes sortes, comme les produits alimentaires de base, le carburant et les matériaux de construction. Il faut avouer aussi que les tunnels de contrebande servaient aux déplacements de personnes. Crise humanitaire Mais le moyen trouvé par la Ghazaouis pour briser le blocus israélien a valu de nombreuses accusations à des éléments du mouvement Hamas. Ces accusations tirées par les cheveux sont venues d'Egypte et essentiellement de parties opposées au régime de Morsi et aux Frères musulmans. Les responsables de Hamas ont, par exemple, été accusés d'avoir participé activement aux événements qui ont fait chuter l'ancien président Hosni Moubarak. Un tribunal égyptien n'a d'ailleurs trouvé mieux que de «confirmer» ces accusations. Celui-ci est allé jusqu'à accuser certains responsables militaires du mouvement Hamas d'avoir été à la tête des groupes qui ont fait évader de prison des responsables des Frères musulmans et des éléments du Hamas. Devant ces «faits», le président Morsi s'est retrouvé pieds et poings liés. Il n'a pas pu empêcher l'armée égyptienne de fermer les tunnels en question. C'est ainsi que certains passages souterrains ont été détruits à l'explosif. D'autres ont été soit inondés par des eaux usées, soit rebouchés avec du béton. Conséquence : le carburant égyptien est introuvable aujourd'hui dans l'enclave palestinienne. Les générateurs électriques et les moyens de transports divers risquent de s'arrêter définitivement, risquant ainsi de paralyser les hôpitaux. Les stations de traitement des eaux usées et celles de distribution de l'eau potable pourraient s'arrêter à tout moment, ce qui fait craindre une véritable crise humanitaire surtout lorsque l'on sait que 90% de l'eau puisée à Ghaza est polluée. Ce n'est pas tout. Les matériaux de construction ont vu leurs prix tripler en quelques jours. Le gouvernement hamsaoui, qui comptait sur Morsi et les Frères musulmans pour renforcer le mouvement Hamas ainsi que l'indépendance de la bande de Ghaza vis-à-vis des marchandises israéliennes, est aujourd'hui très déçu. Au risque d'entraîner un mouvement de colère au sein de la population ghazaouie, le mouvement Hamas, qui dit comprendre les mesures égyptiennes, sera bientôt forcé de se retourner vers les points de passage avec Israël, tout en espérant que l'Etat hébreu accepte de laisser rentrer les produits stratégiques (carburant, produits de base et matériaux de construction), qui manquent effroyablement à Ghaza actuellement.