«De quelques traits fondamentaux du raï», est l'intitulé de la première communication donnée par le journaliste-écrivain, Mohamed Kali, lors de la journée d'étude organisée jeudi à la bibliothèque centrale de Sidi Bel Abbès, dans le cadre de la 6e édition du Festival du raï. Le conférencier, s'appuyant sur le contenu d'une récente interview accordée par l'ex-guitariste de Raïna Raï, Lotfi Attar, à El Watan Week-end, a trouvé là le prétexte pour revenir sur l'état actuel du raï. Dans cet entretien, Lotfi a établi un constat sévère sur l'état de la chanson raï, le qualifiant de «médiocre». Il a, également, fait état d'un profond marasme au regard de l'absence réelle de renouveau, doublée d'une domination de chansons pour la consommation d'un public de cabaret. Pour Kali, Lotfi n'est pas le premier a avoir dressé ce type de constat. «Si le raï est en état de stagnation, il est inconvenant de soutenir que c'est parce qu'il a versé dans la médiocrité, une médiocrité que du reste on lui a accolée de tout temps et de tous côtés», a-t-il nuancé. Selon le conférencier, cette stagnation ne peut être imputée aux seuls raïmen qui, du reste, se sont retrouvés désarmés face à des éditeurs qui dictent leur loi en la matière. Ces derniers, en managers avisés, ont encouragé l'écoulement sur le marché de CD, essentiellement des enregistrements de live en cabaret, mettant, de la sorte, hors-circuit les arrangeurs et autres découvreurs de talents. «Ainsi, depuis 2008 environ, en mettant de côté les arrangeurs qui travaillent en studio les musiques, les éditeurs ont bloqué la création et la créativité», tient-il à rappeler. Ces DJ du raï «electronica» Méconnus du grand public, ces génies du clavier et des logiciels informatiques ont, selon Kali, eu le mérite de faire connaître au raï une ascension fulgurante. «Les arrangeurs ont propulsé jusqu'au sommet des chanteurs(ses) sans voix ni véritable talent (…) inventant des sons de synthèse, qu'ils mixaient selon diverses tonalités pour produire des harmonies et des rythmiques abouties.» Et, ironie du sort, ce sont ces mêmes arrangeurs qui, aujourd'hui, mettent à profit leur talent pour assurer le succès de la chanson. «Si le raï actuel a plutôt coupé les ponts avec quelque unes de ses origines, c'est plutôt avec le raï trab dans toutes ses déclinaisons hard et soft pour ce qui est des paroles. Et pour la musique, il est incontestablement orphelin de ses arrangeurs», dira le conférencier pour conclure. Pour Brahim Hadj Slimane, journaliste, poète et réalisateur, la particularité du raï tient du fait que c'est un phénomène qui est tout le temps en mouvement. Dans sa communication intitulée : «Quelques jalons dans la vie insaisissable du raï», le conférencier considère que le raï, à travers ses différentes phases d'évolution, a su s'adapter en intégrant les apports artistiques nouveaux, aussi bien sur le plan textuel que sur le plan musical. Dans un bref aperçu historique, Hadj Slimane a mis en exergue l'apport «clairvoyant» et «décisif» de la première génération d'éditeurs, tels que Brahim Fouatih, Kadi Missoum et Boaulem Disco Maghreb. «On peut avoir l'opinion qu'on veut sur le rai, mais il serait inapproprié de porter un jugement moral si l'on veut vraiment aller loin dans l'analyse de ce phénomène», estime Hadj Brahim, insistant sur le fait que le rai fut, à ses débuts, une rencontre avec une jeunesse désemparé vivotant dans un pays qui s'était retrouver dans l'impasse…