En annonçant, samedi, la levée des sanctions contre les tricheurs à l'épreuve de philosophie du bac 2013, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a suscité l'indignation et la colère des personnels du secteur. Le ministère de l'Education nationale n'a pas réagi publiquement, jusqu'à la fin de la journée d'hier, sur cette déclaration qui balaye d'un seul coup des décisions prises «pour sauver» la crédibilité d'un des plus importants examens du cursus scolaire. Le département de M. Baba Ahmed n'a laissé filtrer aucune réaction ni commentaire concernant cette «grâce» qui va à contre-courant du discours prôné par les responsables du secteur concernant le traitement dans la légalité de tous les cas de tricherie collective relevés durant la session de 2013. Cette «grâce», selon les déclarations du Premier ministre relayées par les médias, offre la possibilité aux candidats exclus pour une durée de 3 à 10 ans, dans le cadre des textes juridiques régissant les examens nationaux, de postuler au baccalauréat dès la prochaine session. Ses mécanismes n'ont cependant pas été détaillés par le Premier ministre, qui ne se réfère à aucune plateforme juridique ou texte existant pour réhabiliter ces élèves déchus du droit de postuler à nouveau au baccalauréat avant la durée indiquée par la loi en vigueur. Une démarche «intolérable» pour l'Union nationale des personnels de l'éducation et de la formation (Unpef). Selon M. Amraoui, chargé de communication au sein de ce syndicat, «il est intolérable que des élèves ayant été pris en flagrant délit de tricherie, exclus selon des textes en vigueur, soient rétablis par une déclaration du Premier ministre qui n'a apparemment pas réalisé les conséquences d'une telle démarche qui reste, à nos yeux, purement politicienne». Le syndicat, qui a évoqué l'attente des enseignants concernant la nécessité «de préserver un tant soit peu ce qui reste de la crédibilité de cet examen», se dit «scandalisé par la déclaration qui efface toute la démarche du ministère de tutelle». La «grâce de tous les tricheurs» ouvrira la voie à toutes les tentations du même type aux prochains candidats aux examens, estime pour sa part M. Meriane, président du Syndicat national autonome des professeurs du secondaire et du technique (Snapest). «Alors que toute la corporation travaille pour redorer le blason du bac algérien, le Premier ministre prononce une grâce qui ne vise que l'achat d'une paix sociale à tout prix.» M. Meriane, qui rappelle que le Snapest a revendiqué le traitement du dossier de la tricherie au cas par cas, se dit scandalisé et se positionne contre la démarche de M. Sellal. «Nous le crierons haut et fort. Nous communiquerons notre opinion aux autorités concernées dès que l'occasion se présentera», explique M. Meriane, indigné. Même son de cloche au Conseil des lycées d'Algérie (CLA). Idir Achour, porte-parole de ce syndicat, estime que c'est «scandaleux qu'un Président ou un Premier ministre interviennent au profit de tricheurs dans une épreuve scolaire». «Le secteur et le niveau pédagogique ont ainsi atteint un niveau désolant», ajoute notre interlocuteur. Le discours «purement politicien» a pris le dessus sur le souci de réhabiliter le savoir et de promouvoir l'effort, constate le CLA, qui voit en cette «grâce» «une brèche à tous les dépassements pour les étapes à venir». «A quoi bon mobiliser des fortunes et des effectifs, si l'on offre l'impunité aux tricheurs et qu'on casse ceux qui travaillent ?», s'interroge M. Achour. M. Benzina, président de l'Union des associations des parents d'élèves d'Alger-Est, s'indigne quant à lui de cette «grâce» qui favorise les tricheurs et frustre «les élèves qui se sont conformés au règlement». Notre interlocuteur prévient quant aux risques et proportions que pourrait susciter cette grâce qui «encouragerait les élèves à tricher davantage».