L'activité de la sécurité électronique est verrouillée. L'acquisition de la caméra, élément essentiel de la vidéosurveillance, constitue un véritable parcours du combattant. Du dépôt de la demande de visa d'importation au niveau de la wilaya à l'installation des équipements de vidéosurveillance en passant par la réception des caméras et équipements de la vidéosurveillance, leur transport et leur stockage, les opérateurs, fort nombreux dans ce domaine, font face à une lourdeur administrative qui porte un grave préjudice à leur activité. «Quand tout va bien, la procédure dure six mois, de l'importateur jusqu'au client final», indique Salim Braï, un opérateur qui jouit d'une longue expérience. Ces complications et embûches sont apparues depuis que la caméra de surveillance est classée comme équipement sensible relevant de la sécurité nationale. En effet, en 2009, il y a eu la promulgation discrète d'un décret exécutif fixant les règles de sécurité applicables aux activités portant sur les équipements sensibles. La caméra de surveillance y figure. Ainsi, en vertu de cette loi, l'acquisition des équipements de la vidéosurveillance est devenue très compliquée. C'est un long parcours semé d'embûches et de difficultés. Déjà, l'agrément des opérateurs est tributaire de l'appréciation des autorités concernées sur les questions relatives à l'habilitation de l'opérateur et à ses capacités professionnelles ainsi qu'aux conditions de sécurité des locaux et des équipements. Des «munitions de guerre» bien particulières ! Toute acquisition d'équipements sensibles est soumise à une autorisation du wali, lequel ne peut la délivrer sans l'accord préalable des services chargés des ministères de la Défense nationale et de l'Intérieur. Viennent ensuite les conditions de transport de ces équipements qui nécessitent une escorte. Car, comme le souligne le décret exécutif, «le transfert des équipements sensibles par les opérateurs, dans le cadre de l'exercice de leurs activités, ne peut se faire que sous le régime de l'escorte effectuée par les sociétés dûment agréées à cet effet». La mission est encore plus dure quand il s'agit d'équipements de vidéosurveillance dotés d'un système de vision nocturne, lesquels figurent dans le registre du matériel de guerre, armes et munitions. Les opérateurs ne peuvent plus acquérir ce genre d'équipements. Toutes ces difficultés font que les opérateurs n'arrivent plus à travailler. Cela en dépit d'une forte demande sur le marché national. Pour défendre leur activité, ils s'organisent en créant l'Association algérienne des professionnels de la sécurité électronique (APSE). Pour Abdelkader Mokhtari, un autre opérateur membre de cette association, pas question de baisser les bras. «De quel droit, ils nous interdisent d'activer dans ce domaine ?», tonne-t-il dénonçant l'absence d'uniformité de la réglementation qui est appliquée, selon lui, différemment d'une wilaya à une autre. «Ce décret exécutif n°410/09 du 13 décembre 2009 nous exclut de fait du marché. Au profit de qui ? De ceux qui ont le bras long et qui ont pignon sur rue ?», se demande-t-il, craignant dans ce sillage que leur expertise et leur technicité soient perdues. Selon cet opérateur, «il y a des entreprises qui se créent et travaillent grâce à la bénédiction de hauts responsables». Ces opérateurs en colère considèrent que cette réglementation est absurde en ce sens que cette caméra, qui constitue un élément du système de vidéosurveillance, finit par être installée sur un mur ou un poteau, sans aucune protection, à la portée de tout le monde. Le marché informel favorisé «Cela est en contradiction totale avec le parcours pénible pour sa simple acquisition, son stockage dans un lieu hautement sécurisé, son transport avec escorte et son installation dans le marché algérien», souligne-t-on dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre Abdelmalek Sellal. «Ces professionnels, qui sont d'honorables contribuables, étouffent et commencent à disparaître en mettant au chômage leurs personnels suite à la complexité des procédures administratives pour l'acquisition des équipements de vidéosurveillance», ajoute-t-on, affirmant que «cet état de fait a favorisé la croissance du marché informel et de la contrefaçon». Pour l'APSE, «il aurait été plus approprié de classer les lieux à surveiller par leur degré de sensibilité (aéroport, casernes, commissariat de police, brigades de gendarmerie, institutions de souveraineté) tout en respectant les libertés individuelles des citoyens, comme cela se fait sous d'autres cieux». Aussi, cette association rappelle que la caméra en question est devenue depuis de longues années une partie intégrante des produits commerciaux à usage grand public (caméscope, smartphone…). «N'est-il pas préjudiciable pour le secteur de faire subir aux opérateurs, de surcroît titulaire d'un agrément, obtenu après des mois de gymnastique bureaucratique et d'enquêtes pointues des différents services de sécurité nationale, les mêmes procédures à chaque opération commerciale», s'est-elle encore interrogée, assurant encore une fois que les équipements de vidéosurveillance ne sont que des produits commerciaux à usage grand public. «Ils ne peuvent en aucun cas être considérés comme des équipements sensibles contrairement aux lieux et endroits où ils devraient être installés. Ils ne sont réellement dangereux que pour les personnes malintentionnées susceptibles d'être filmées en flagrant délit !», conclut-on dans cette lettre. Ces opérateurs espèrent que le Premier ministre interviendra pour reconsidérer cette activité et revoir la réglementation en vigueur pour sauver le secteur.