Avec les sanctions mises en application hier, le bras de fer est bel bien engagé. On s'achemine vers un arrêt des activités des stations-service dans la wilaya. Sept stations implantées le long de la RN44, l'artère vitale de la wilaya d'El Tarf, n'ont pas reçu, hier, leur livraison quotidienne de carburant. Explication donnée aux gérants par Naftal : «Nous en avons reçu l'ordre de la direction des mines et de l'énergie (DMI).» Impossible hier d'avoir l'avis de l'Administration. Malgré nos multiples tentatives, le directeur des mines et de l'énergie était injoignable. Une commission de la DMI a fait la semaine dernière la tournée des stations pour voir si le registre, à l'origine de ces représailles, a bien été ouvert comme le stipule l'arrêté du wali n°1025 du 27 juin 2013. Les constats ont été transmis à une autre commission ad hoc de la wilaya chargée de suivre cette affaire de carburant qui fuit. Pour les gérants de stations-service privées, la majorité a refusé d'appliquer cet arrêté qui leur demande d'ouvrir un registre où doivent être notifiés le matricule, la date, l'heure et la quantité de carburant de chaque automobiliste. Ils considèrent que ce n'est pas dans leurs «prestations» de commerçant et que ce serait immanquablement une nouvelle source de conflits avec les clients déjà difficilement gérables avec la pénurie. Il faut pour cela un agent de l'Etat doté de la puissance publique. En outre, cela exigerait du personnel supplémentaire, au moins 3 personnes, qu'il est impossible de recruter sans menacer les équilibres financiers déjà très précaires. Mais en vérité, la principale raison de la colère des gérants, c'est d'avoir pris, sans les consulter ou au moins les aviser, des décisions qui les concernent au premier titre. «C'est de l'arrogance et du mépris», disent-ils. Après cela, ils s'attendaient au moins à être écoutés, mais les autorités locales semblent avoir privilégié la manière forte à la place du dialogue et de la concertation. Au lieu de chercher à en faire leurs alliés, ils viennent de se faire des ennemis. Les gérants ont en effet le sentiment d'avoir été placés dans le camp des trafiquants. Avec les sanctions mises en application hier, le bras de fer est bel bien engagé. On s'achemine vers un arrêt des activités des stations-service à El Tarf, tel qu'annoncé par les membres de l'Union nationale des gérants de stations-service (Uniprest). M. Laribi, vice-président de cette organisation professionnelle, nous a déclaré que les ministres de l'Intérieur et de l'Energie ont été saisis pour qu'ils leur soient donné la possibilité d'expliquer les difficultés rencontrées par les gérants aussi bien à l'est qu'à l'ouest du pays. «En tant qu'association, nous sommes l'interface entre les pouvoirs publics, la profession et les consommateurs. A aucun moment, que ce soit à l'échelle locale ou nationale, nous n'avons été consultés ni associés aux décisions qui ont été prises dans les wilayas frontalières. Seul le wali de Annaba a eu l'obligeance de réunir nos membres et de débattre de ces problèmes avec eux. Pour ce qui nous concerne, nous resterons dans cette position tant que nous ne serons pas écoutés et entendus. On n'a pas à imposer des dispositions spéciales, qui sont contraires à la Constitution, en dehors des contrats des gérants et s'il faut surveiller la clientèle, il faudra engager des personnes qualifiées et assermentées. Pour l'heure, nous nous consultons sur la meilleure forme de protestation nationale à mettre en œuvre au cas où les pouvoirs publics restent sourds et font recours à la force. Un mouvement de protestation qui évitera de nouveaux désagréments aux automobilistes pendant ce mois de Ramadhan et également pour anticiper sur les dérapages qui pourraient s'ensuivre.» Hier, la situation était à son comble. Pas une goutte d'essence dans toute la partie centrale et orientale de la wilaya. Pour le commun des mortels, c'est la faute aux Tunisiens parce qu'ils sont les plus visibles. Pour les autorités locales ce sont les stations-service parce que ce sont les seuls organes qu'ils contrôlent encore. A chacun son bouc émissaire pour ne pas admettre que l'Etat gangrené par la corruption et l'incompétence n'a plus les capacités de faire face aux puissances de l'argent. C'est une vraie guerre qu'il faut mener à la contrebande et dans laquelle il ne faut surtout pas se tromper de cibles.