Virgules en trombe, paru dernièrement aux éditions APIC à Alger, est «un presque roman». C'est l'avis de son auteur, Sarah Haïdar. La littérature est une expérience unique. Ecrire un livre pour raconter une histoire, faire de la critique sociale, véhiculer des messages, c'est du gâchis. Autant prendre une photo au lieu d'écrire. La fiction pour moi est de tenter d'exprimer l'impensable, l'invraisemblable. Ma volonté n'était pas d'aligner des mots, des images ou des phrases compliquées pour la jouer intellectuelle. Je ne m'empêchais pas d'aller jusqu'au bout dans la bagarre avec les mots. Je voulais que les mots fassent de la musique, qu'ils crient. C'est-à-dire donner une nouvelle vie aux mots», a déclaré Sarah Haïdar, lundi soir à l'espace Plasti, à la faveur des soirées Mille et Une news, organisées par le journal El Djazaïr News, à Alger. La critique est partagée sur le livre de Sarah Haïdar : «objet littéraire», «un manifeste», «une esquisse de roman»… «En terminant la lecture de Virgule en trombe, je me suis mis à reconsidérer la littérature. Ce petit texte est bouleversant et riche. On entre dans ce texte avec difficulté», a constaté le journaliste Nadir Bacha qui animait le débat avec Youcef Saiah, critique et animateur radio. Le livre de Sarah Haïdar, selon Youcef Saiah, pose des questions sur l'acte d'écrire. «L'écriture est-elle quelque chose de totalement destructeur ? Sarah Haïdar se pose des questions sur l'écrivain. Des questions qui n'ont pas de réponses. C'est pour cela que je considère son texte quelque peu philosophique», a-t-il ajouté. «Il est impossible de restituer, sans le trahir, le propos de ce texte. Je me contente de dire qu'il s'agit d'un écrit sur l'écriture. Pas de trame, pas de narration classique, pas d'intrigue, pas de rebondissement. C'est un travail sur la langue, aller vers des profondeurs dangereuses. Cela peut paraître un peu prétentieux. Il y a une telle surenchère esthétique que ça devient fatigant pour certains lecteurs», a relevé Sarah Haïdar. Spleen et ponctuation Virgules en trombe est un livre qui s'intéresse à l'histoire d'une journaliste alcoolique qui noie son spleen dans les bars. Elle accepte l'offre d'un écrivain pour lui servir de nègre. «La vocation d'une négresse, une femme qui a le don des mots et qui se décide à présent à les offrir à un autre, comme on vend son corps…», estime la journaliste dans Virgules en trombe. «J'aime bien la notion d'entrer dans le texte. Virgules en trombe est un endroit où l'on peut admirer beaucoup d'objets sans se poser trop de questions. Des questions classiques comme celles relatives au message, au pourquoi de l'écriture et à qui on s'adresse», a-t-elle dit... «Je n'ai pas pensé au lecteur en écrivant le livre. Lorsqu'on pense au lecteur, on devient conciliant, on fait des concessions et on finit par faire de la mauvaise littérature. Je ne veux pas materner le lecteur. On ne connaît pas encore bien le lecteur algérien, ses goûts, sa culture littéraire», a soutenu l'écrivaine. Elle s'est dite ravie que des lecteurs, rencontrés en librairie, aient capté l'intention de l'écriture de Virgules en trombe et non pas le contenu. Selon elle, écrire pour soi-même n'est pas un risque. «Je suis contre la littérature consensuelle. Celle qui se fait dans la crainte ou dans le confort d'avoir un lectorat acquis», a-t-elle appuyé. «J'ai toujours adoré l'univers de Frida Kahlo. On y retrouve l'esthétique de l'épouvante. Elle sait rendre la chose la plus atroce d'une beauté effrayante», a-t-elle noté. Frida Kahlo est une artiste peintre mexicaine classée à tort dans l'école du surréalisme. Sarah Haïdar est auteure d'autre romans écrits en arabe comme Chahkat al farass (Soupir de la jument).