J'ai toujours gardé cette flamme du panafricanisme. J'ai bien envie d'y croire. En décembre j'aurai 60 ans, je pense que la nouvelle génération va réaliser ce panafricanisme. Je vous invite en cette nuit étoilée à un parcours «dingue». Mardi soir, au grand chapiteau de l'hôtel Hilton, à l'est d'Alger, le compositeur et musicien malien, Cheikh Tidiane Seck, est venu faire la fête dans un concert organisé par l'agence de Well Com. Le public, en grande partie formé de connaisseur, a bien compris le message. «A chaque fois que je viens en Algérie, je me ressource. J'ai l'impression de revenir au coeur de quelque chose. Au Mali, on m'appelle Cheik Amadou Tidian. Mon homonyme est algérien. Il s'agit du Cheikh Ahmed Tidjani qui est enterré à Fès au Maroc. Donc, à chaque fois que je viens, c'est l'émotion», devait confier l'artiste plus tard dans les loges. Et l'émotion, Cheick Tidiane Seck, «le guerrier Mandingue», ne l'a pas cachée sur scène, entouré de ses musiciens venus de Guinée Conakry, du Burkina Fasso, du Cameroun, du Mali et de l'Algérie (le bassiste Momo Hafsi). Une véritable Union africaine on the stage ! « J'ai toujours garder cette flamme du panafricanisme. J'ai bien envie d'y croire. En décembre j'aurais 60 ans, je pense que la nouvelle génération va réaliser ce panafricanisme.» Pourquoi y a-t-il les Etats-Unis d'Amérique ? Pourquoi ne pas créer les Etats-Unis de l'Afrique ! C'est possible. Aujourd'hui, il faut des visas pour aller d'un pays africain à l'autre Il n'y a qu'au Gabon où je peux entrer sans visa. Les gens ne sont pas dans le partage », a déclaré Cheick Tidiane Seck plaidant pour la fusion de toutes les forces africaines pour construire le rêve du panafricanisme, «devenir une puissance». L'Afrique, ses parfums, ses ouvertures, ses colères et ses prières étaient concentrés dans la musique de Tidiane, un excellent arrangeur et claviériste. La rythmique se met au service de sonorités blues, rock, jazz, afro beat, gnawa, spirituelles soufie, orientales… «Ma musique exprime l'influence de tout ce que j'ai connu comme voyage», a confié l'artiste. Les collaborations diverses de Cheick Tidiane Seck avec Carlos Santana, Stevie Wonder, Manu Dibango, Fella Kuti, Oumou Sangaré, Amina Anabi, Joe Zawinul, Han Jones, Paco Sery, Habib Koité, Ornette Coleman, Jimmy Cliff, Dee Dee Bridgewater, The Black Eyed Peas… laissent des traces dans les variations. «J'ai eu plusieurs vies en matière de musique. Actuellement, je tourne avec Manu Dibango. Manu a décidé de fêter ses 80 ans et moi mes 60. Pour ce faire, nous allons animer dix concerts ensemble. Je serais donc en featuring avec lui. C'est cela l'échange et le partage», a-t-il appuyé. Cheick Tidiane Seck se bat contre l'appellation fourre tout de World music (musique du monde). «Je déteste ce concept. C'est une façon de nous mettre dans un ghetto, dans un panier. Donc, moi en tant qu'africain je fais de la World music et les autres font de la musique classique. Ils ont crée le Tiers-monde, je ne veux pas qu'il crée la Tiers-musique ! La plupart des festivals dits de World music me boycottent. Dans les années 1970, on m'appelait Che Guevara. J'étais toujours rebelle mais dans le bon sens», a souligné le musicien malien. Goût de Cola Mardi soir, Cheik Tidiane Seck a invité sur scène les artistes algériens Hakim Salhi et Djamel Laroussi pour des sessions d'impro fort réussi. Hakim Salhi a accompagné un chant traditionnel mandingue avant de rappeler en deux trois mouvements Til tayla de Raïna Rai. Avant de prendre la guitare, Djamel Laroussi a joué des karkabou donnant à la composition une chaleur spirituelle. Cheick Tidiane Seck a joué un de ses morceaux préférées en hommage au cola, cette plante si tonifiante. «Le cola équivaut à dix tasses de café», a précisé au micro l'artiste. Le résultat est bien sûr évident : la musique est énergique ressemblant à un rayon de soleil un matin d'été. Brillant et énergique ! Le musicien malien n'a pas oublié de rendre hommage à Mama Africa, Myriam Makeba, la chanteuse sud-africaine. Il s'est rappelé du premier Festival culturel panafricain (Panaf') de 1969 à Alger. Cheick Tidiane Seck était venu en Algérie pour la deuxième édition du Panaf'en 2009. L'artiste est convaincu d'une chose : le panafricanisme n'est pas du romantisme. A l'image de Youssou N'Dour ou de Alpha Blondy, Cheik Tidian Seck ponctue certaines chansons de «La Ila ha ila Allah». «Je m'inspire de l'état d'âme soufi. Chez moi, à Banangara ou Segou, cela est présent dans tous les chants», a-t-il noté. Il a repris plusieurs chansons de ses trois albums Mandingroove, Sabaly et Guerrier (ce dernier est sorti en 2013). La situation politique au Mali inquiète Cheick Tidiane Seck. Selon lui, les Touareg qui exigent l'indépendance de l'Azwad, au nord du Mali, sont minoritaires. «J'ai grandi avec des amis Touareg. Ils n'ont jamais vu en moi quelqu'un qui veut les dominer. Je dis aux Français : pourquoi on peut aller avec vous à Gao et Tombouctou et on ne peut pas entrer à Kidal. Qu'est-ce que vous nous cachez ?», s'est-il interrogé. La semaine prochaine, Cheik Tidian Seck sera en concert à Londres avec des musiciens touareg. Il pense qu'il ne faut pas organiser des élections à l'heure actuelle (les présidentielles sont prévues le 28 juillet courant au Mali). «Pourquoi organiser des élections alors que nous sommes toujours en crise ?», s'est-il demandé avant de reprendre : «je reste confiant que la raison va l'emporter sur la barbarie et la division. Avant de créer l'Azawad, il faut créer la Corse, la Martinique, la Guadloupe et ne plus parler de France. Pourquoi ce qui est valable pour un peuple, ne l'est pas pour un autre ? Le Mali est indivisible. La musique est un acte de résistance», a-t-il conclu.