Le chef du courant populaire et membre de l'Assemblée nationale constituante, Mohamed Brahmi, a été assassiné hier devant son domicile par onze balles tirées à bout portant. Un remake de l'assassinat de Chokri Belaïd. Avant même le dénouement des péripéties de l'assassinat de Chokri Belaïd, le 6 février dernier, le constituant Mohamed Brahmi a subi le même sort. Alors qu'il quittait sa maison à El Ghezala (gouvernorat de l'Ariana), hier aux alentours de midi, Brahmi a été abattu par deux hommes, qui le guettaient à bord d'une Vespa. Tout comme Belaïd, Mohamed Brahmi a été criblé de balles à travers les vitres de sa voiture. La seule différence, c'est que le martyr d'hier était lui-même au volant, alors que Belaïd avait un chauffeur. La fille de Brahmi, qui a vu les assassins, parle d'une casquette rouge sur la tête du premier et une autre marron pour le second. Selon une voisine rencontrée sur place, Brahmi aurait reçu un coup de fil l'appelant à quitter d'urgence la maison. «Il a pris son téléphone et quitté rapidement les lieux», dit-elle, en se référant à des membres de la famille du martyr. En quittant sa maison, celui-ci a été accueilli par un feu d'enfer. Comme Chokri Belaïd, Mohamed Brahmi n'a pas succombé sur-le-champ. Il a été transporté à l'hôpital Mahmoud El Materi de l'Ariana, où les efforts déployés par l'équipe médicale sur place n'ont pas permis de le sauver. Les blessures étant nombreuses et mortelles. Le martyr a quitté la vie moins d'une demi-heure après son admission. Au-delà des péripéties de cet assassinat, il est certain qu'il vient dans un contexte très délicat de la transition démocratique en Tunisie, et ce, à plusieurs niveaux. D'abord, sur le plan politique, l'Assemblée nationale constituante (ANC) est en train d'élire l'instance supérieure des élections et va bientôt entamer les débats, article par article, du projet de Constitution. C'est dire que la transition démocratique avance, certes péniblement, mais elle avance. Ensuite, sur le plan régional, il ne faut surtout pas oublier ce qui se passe en Egypte après la destitution du président Mohamed Morsi par une marée humaine soutenue par l'armée. Une telle conjoncture internationale ne saurait avoir que des incidences sur la Tunisie. Enfin, sur le plan socioéconomique, la Tunisie traverse une crise aiguë. Le gouvernement de la Troïka n'est pas parvenu à réaliser les objectifs de la révolution, notamment en matière d'emploi et de développement régional. Donc, tous les ingrédients de la déstabilisation sont là. L'assassinat de Mohamed Brahmi pourrait en être l'étincelle, à moins que la classe politique ne parvienne à maîtriser la situation par une manœuvre politique audacieuse comme celle de Hamadi Jebali (secrétaire général d'Ennahda), le soir de l'assassinat de Belaïd, lorsque le président du gouvernement avait annoncé un projet de gouvernement d'Union nationale. Les données sont, certes, aujourd'hui plus complexes. Que faire ? Une manœuvre politique intelligente est nécessaire pour éviter le dérapage suite à l'assassinat de Brahmi. Qui est Mohamed Brahmi ? Mohamed Brahmi est né le 15 mai 1955 à Hachana (gouvernorat de Sidi Bouzid). Il a poursuivi ses études entre Meknassi, Gafsa, Bizerte et Tunis où il a obtenu, en 1982, une licence en expertise-comptable à l'Institut supérieur de gestion. Au niveau professionnel, Mohamed Brahmi a été enseignant, avant de travailler dans l'administration. Sur le plan politique, le martyr est sympathisant depuis son jeune âge du courant nationaliste arabe. Il est membre fondateur en 2005 du Mouvement des unionistes nassériens, qui est resté dans la clandestinité sous Ben Ali jusqu'en 2011. Mohamed Brahmi a alors créé le Mouvement du peuple, dont il est le secrétaire général et il a été élu sur ses listes à l'Assemblée nationale constituante (circonscription de Sidi Bouzid). Brahmi a récemment démissionné du Mouvement du peuple et créé le Courant populaire.