Que reste-t-il lorsque tout s'effondre dans un royaume ? Partir ? Mourir ? Rêver ? Le jeune metteur en scène, Faouzi Benbrahim, a repris le texte de Mohamed Tayeb Dehimi adapté de la célèbre pièce Le roi se meurt du dramaturge roumain, Eugène Ionesco, pour monter El Ardha (l'invitation). Produite par le Théâtre régional de Constantine, la pièce a été présentée, dimanche soir, au Théâtre national Mahieddine Bachtarzi (TNA) à Alger. Dans un décor hivernal, un roi (Ahmed Hmames) et sa cour constatent que tout change dans le royaume. «Mais qui a crié ?/ Personne n'a crié. Nous sommes seuls ici», lance le garde du roi. Et le roi : «Va empêcher celui qui crie, va !» Et la femme de chambre (Samia Tebbouche) de reprendre : «Tout le monde fuit ici. Les murs, les vagues fuient… ». «Comment ça, ils volent, sans que je les autorise !», reprend le roi. La cour conseille au souverain d'interdire le vol : «Tu as le pouvoir de donner des ailes à qui tu le veux !», dit complaisante la cour. L'ordre tombe : «Mettez des ailes aux ânes et aux mulets !». Le roi sent sa fin se rapprocher, découvre que sa mère, la reine, a fui le royaume avec le cuisinier du palais. On lui dit que la tête qu'il porte n'est pas la sienne. Et, on lui annonce sa mort prochaine. Comment faire pour repousser la fin ? Comment échapper au destin qui guette ? La guerre est aux portes. Il ne reste que les trous dans son royaume… «Après leur mort, les rois garderont-ils leur honneur ?», se demande-t-il avec la fausse naïveté de l'oppresseur. Le rythme de la pièce est quelque peu lent. La musique composée par Hassan Laamamra aide à évoluer dans le jeu scénique. Faouzi Benbrahim a choisi une scénographie (conçue par Mousa Noun) vivante à travers l'expression des comédiens manipulant des cubes. Des cubes qui soulignent le caractère absurde de la situation. Les chorégraphies de Aïssa Chouat offrent la pause qu'il faut. L'idée du metteur en scène est probablement de relancer le jeu dramatique par la chorégraphie, encore peu utilisée par le théâtre algérien. El Ardha est une pièce à mi-chemin entre le théâtre philosophique et le théâtre politique. On ne résiste pas forcément à faire des parallèles avec la situation algérienne même si la pièce est dans une géographie vaporeuse. Le théâtre n'est-il pas l'art de la vie ? Du temps qui passe ? De l'époque ? «Tout a une fin. Dans l'adaptation libre de Mohamed Tayeb Dehimi, la mort symbolise la fin. Ce sujet est d'actualité. Nous avons beaucoup travaillé avec les comédiens qui ont interprété pour la première fois ce texte. Ils ne sont pas habitués à ce genre de scénographie. Ces comédiens jouent habituellement dans des décors réels et statiques avec des dialogues banals. J'ai essayé de leur assurer une petite formation. C'est une bonne expérience. Le théâtre n'est pas forcément une expression directe du réel», a relevé Faouzi Benbrahim. Le metteur en scène a choisi de fragmenter le texte en plusieurs idées scéniques pour éviter la lourdeur. Cela donne une pièce contemporaine d'où se dégage une certaine fraîcheur. Comme le théâtre algérien a besoin d'air frais…