Par Wafia Mouffok Véritable révélation de la nouvelle vague de metteurs en scène algériens, le jeune Faouzi Ben Brahim a présenté dimanche dernier sur les planches du Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi (TNA) sa dernière création théâtrale, El âarda. Produite par le théâtre régional de Constantine (TRC) -un établissement dont les responsables ont enfin décidé de faire confiance aux jeunes et à injecter du sang neuf dans ses productions-, El âarda est une adaptation de Taïb Dehimi de la pièce le Roi se meurt du dramaturge roumain Eugéne Ionesco. Les trois coups retentissent dans l'enceinte du TNA, le rideau se lève et on découvre cinq personnages sur scène. Le décor est réduit et mobile. Il se résume à une grande toile en arrière-plan et des boîtes carrées. Le décor suggère le froid, l'austérité et la misère. Le roi est placé au centre dans un noir obscur, une bande sonore nous fait comprendre qu'il est en train de regarder la télévision et suivre l'actualité. Les informations sont accablantes. De drame en catastrophe, il finit par éteindre la télévision et s'assoupit. Le roi a entamé une guerre perdue d'avance, selon ses proches. Son royaume n'est plus qu'un vaste champ de trous. Ses sujets l'ont quitté. Même sa famille lui a tourné le dos et s'est alliée avec l'ennemi. Il ne reste plus rien pour le souverain déchu sauf choisir la manière de sa mort. Mais rêvant d'éternité, le roi refuse de faire face à la réalité. Accompagné de ses derniers fidèles, il préfère faire la fête pour noyer ses malheurs. Adepte du théâtre de l'absurde, le metteur en scène a introduit des scènes humoristiques hilarantes pour alléger la représentation. Des tableaux chorégraphiques ont été glissés dans la pièce, ce qui a permis aux comédiens de dévoiler tout leur potentiel, même si le rythme a été long à certains moments. Pertinent, le texte est chargé d'allusions et de sous-entendus. Certes, chacun peut en faire sa propre lecture, mais la morale de l'histoire est claire comme de l'eau de roche. Taïb Dehimi a entremêlé les histoires, la fin d'une histoire d'amour, la fin d'un règne, la mort du roi, mais tout nous ramène à l'ivresse du pouvoir et de l'omnipotence, et leurs dangers. La pièce évoque des sujets importants comme la corruption, l'émigration, la cupidité des gouverneurs… «J'ai choisi cette œuvre car elle est inspirée d'une œuvre universelle et j'ai été séduit par son thème qui est la fin. Dans la version de Dehimi la fin a été symbolisée par la mort et je crois que son choix colle parfaitement à l'actualité», a déclaré le metteur en scène. Concernant sa collaboration avec le théâtre régional de Constantine, il dira que «la pièce a nécessité beaucoup de travail de la part des comédiens. Ce sont des artistes qui n'ont pas eu la chance d'évoluer dans de nouvelles formes de théâtre, ils étaient confinés dans leur formation classique. Cette pièce leur a beaucoup appris car il s'agit d'une œuvre où les dialogues sont indirects et qui poussent à la réflexion. Je dirais que cette pièce a été une excellente expérience pour moi et pour le TRC qui m'a fait confiance» a-t-il ajouté. W. M.