Tunisie en crise : un gouvernement auquel il avait été reproché une complaisance avec les salafistes. Des terroristes s'installent dans les maquis terroristes à la frontière algéro-tunisienne. Excédés par la bataille de tranchées que le pouvoir et l'opposition se livrent, les Tunisiens ont décidé de renvoyer dos à dos les deux parties. Ils les somment de trouver très vite une issue à la grave crise politique qui paralyse le pays et ruine son économie. La Tunisie est en effet plongée dans une profonde crise politique depuis l'assassinat attribué à la mouvance djihadiste du député Mohamed Brahmi, le deuxième du genre après celui de l'opposant Chokri Belaïd le 6 février dernier qui avait entraîné la chute d'un premier gouvernement dirigé par le parti islamiste Ennahdha. Un gouvernement auquel il avait été reproché sa complaisance avec les salafistes qui aujourd'hui animent les maquis terroristes à la frontière algéro-tunisienne. L'opposition, qui accuse Ennahdha d'avoir pris en otage les institutions du pays, réclame la tête du Premier ministre islamiste Ali Laarayedh et, surtout, la remise des compteurs politiques à zéro, soit en d'autres termes dissoudre l'Assemblée nationale constituante (ANC). Ne souhaitant prendre partie pour aucun des deux camps politiques, la presse tunisienne a, au contraire, accusé hier la classe politique dans son ensemble d'être responsable de l'impasse politique dans laquelle s'est retrouvé le pays. Les journalistes ont attiré l'attention des «politiques» sur les dangers qu'il y aurait à faire table rase avec tout ce qui s'est «construit» depuis la «Révolution du jasmin» à nos jours. Pour Assabah Alousbouï : «Il est certain que les gouvernements post-révolution et les élites politiques au pouvoir et dans l'opposition portent la responsabilité de la situation» en Tunisie. «Chacun a des intérêts politiques ou personnels, alors que la situation actuelle indique que le pays s'est dirigé d'une façon étonnante vers le terrorisme après l'assassinat de Mohamed Brahmi», estime le journal arabophone Assabah Alousbouï. «Sous d'autres cieux, un tel événement aurait soudé la nation pour affronter le péril comme un seul homme», note l'hebdomadaire Tunis-Hebdo qui regrette cependant que cela ne soit pas le cas en Tunisie. «Notre élite politique qui a réussi le tour de force fantastique de scinder le peuple n'a qu'un seul objectif : accaparer le pouvoir», assène-t-il. L'UGTT prudente Plutôt que de se focaliser sur les événements passés, le quotidien gouvernemental La Presse préfère se focaliser sur l'avenir. Pour ses rédacteurs, la solution est dans le compromis. «L'heure est désormais à la recherche sérieuse d'une voie de sortie de crise (...) dans une logique de ni vainqueur ni vaincu», écrit le journal francophone qui paraît à Tunis. D'après le même quotidien, «les deux principaux protagonistes impliqués dans la crise actuelle, à savoir les légitimistes et ceux qui prônent la dissolution de l'Assemblée nationale constituante et la démission du gouvernement, sont plus que jamais condamnés à dialoguer (...)». «L'étape des démonstrations de force et des occupations de la rue par les uns et les autres (...) ont démontré que la crise ne peut être réglée en dehors de la table des négociations, sans a priori, ni volonté de tirer profit de la situation», soutient encore La Presse. Prudente et sans doute consciente de la gravite de la crise, l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) refuse également de faire dans la surenchère ou d'adopter une attitude frontale avec le gouvernement Laarayedh. L'influence centrale syndicale s'est limitée à accuser samedi «des parties dans le gouvernement», dont le ministère des Affaires religieuses, de susciter la division des Tunisiens. L'UGTT avait d'ailleurs lancé lundi dernier une initiative pour sortir le pays de la crise politique où il se trouve depuis l'assassinat du député Mohamed Brahmi, le 25 juillet dernier. L'UGTT plaide notamment en faveur de la formation d'un gouvernement de compétences dont les membres seront choisis parmi des personnalités indépendantes qui s'engagent à ne pas se présenter lors des prochaines élections. Un appel a été aussi lancé pour la dissolution des Ligues de protection de la révolution (LPR). Mais contrairement aux autres partis de l'opposition, les leaders de l'UGTT ne réclament pas la dissolution de l'Assemblée constituante. L'UGTT, dont les locaux à Tozeur ont été saccagés vendredi, a par ailleurs dénoncé les campagnes de dénigrement lancées contre l'organisation dans les mosquées, citant en particulier des mosquées à Sfax «où les imams ont incité leurs sympathisants à se retirer de l'UGTT et à attaquer ses locaux». A l'occasion, l'UGTT a appelé à préserver la neutralité des lieux de culte. Ayant beaucoup de poids dans l'échiquier politique tunisien, l'Union générale GTT a les moyens, en tout cas, de se faire entendre au plus haut de niveau de l'Etat. Cela est l'inverse d'autres parties qui font beaucoup de bruit mais qui, au fond, n'ont pas une grande influence sur le cours des événements.