Figure majeure de l'Eglise d'Algérie au XXe siècle, Léon-Etienne Duval est né à Chenex (Haute-Savoie) en France, le 9 novembre 1903. Il fait ses études au Grand Séminaire d'Annecy, puis au Séminaire français de Rome où il obtient, en 1927, un doctorat en théologie. Le 18 décembre de la même année, il est ordonné prêtre à la basilique Saint-Jean de Latran. Vicaire pendant deux ans à La Roche, il deviendra ensuite professeur, économe et maître de cérémonies au Grand Séminaire d'Annecy de 1930 à 1942. Après avoir occupé les postes de vicaire général et de directeur des Oeuvres diocésaines d'Annecy, le pape le désigne, en 1947, évêque de Constantine et de Annaba. Quelques mois avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale, soit le 25 mars 1954, Mgr Duval est transféré au siège archiépiscopal d'Alger. Accueilli place Lavigerie, il dira lors de son discours d'intronisation : « La vraie civilisation doit être conçue en fonction des êtres les plus déshérités de la société, les plus pauvres, des plus souffrants, des plus malheureux. Ainsi le veulent les exigences de la charité sans laquelle il n'y a pas de salut pour le monde... » Guidé par l'humanisme et le devoir évangélique de vérité, Mgr Duval ne se gênait aucunement à dénoncer le système colonial et ses injustices. En 1956, il se prononce, contre vents et marées, en faveur de l'autodétermination des populations d'Algérie. Celui qui sera plus tard cardinal avait vécu cette guerre au plus profond de lui-même. Entre la nécessaire présence auprès des chrétiens d'Algérie et sa sensibilité au combat des militants algériens en lutte pour l'indépendance, le choix devait être délicat. Dans ces moments difficiles, Mgr Duval prêche la charité fraternelle et condamne vigoureusement le recours à la torture qu'il a considéré, à juste titre, comme une grave atteinte à la dignité et à l'intégrité physique de la personne humaine. Ses prises de position lui valent des hostilités, parfois agressives, de l'administration coloniale et de la population européenne. Les généraux français, qui le contestent, le surnomment « Mohamed Duval ». Ces derniers sont allés plus loin en demandant son expulsion. Toutefois, Mgr Duval avait le soutien du Saint-Siège tout comme il avait trouvé un appui solide auprès de la population musulmane. « L'Algérie ne périra pas » Après l'indépendance, le pape Paul VI le nomme, en 1965, cardinal, à la grande joie non seulement des chrétiens, qui avaient voulu se mettre au service de la jeune nation, mais aussi des Algériens qui connaissaient son dévouement à leur cause. Les hautes autorités du pays accueillent cette distinction comme une reconnaissance méritée. D'ailleurs, à son retour de Rome, il est reçu avec les honneurs officiels. Bien qu'il n'ait pas le nombre requis d'années de présence en Algérie, il reçoit, sans l'avoir sollicitée, la nationalité algérienne en 1966. Ce geste se voulait un hommage des autorités algériennes à l'égard de Mgr Duval. « Lorsque je suis venu en Algérie, il y a 18 ans, je suis venu pour y passer le reste de ma vie en me consacrant entièrement au pays », avait-il expliqué. Pendant les premières années de l'indépendance, il s'intéresse à de grandes questions, notamment, le droit au développement, les relations Nord-Sud, les droits des émigrés en France, ceux des Palestiniens et des Libanais au Moyen-Orient. Le cardinal Duval, qui devait prendre sa retraite en 1978, est retenu par le pape Jean-Paul II qui lui demande de rester deux ans de plus. En 1980, il est reconduit une nouvelle fois dans ses fonctions, mais il est désormais secondé par un archevêque-coadjuteur, ayant droit de succession, Mgr Teissier, anciennement évêque d'Oran. En 1988, le pape Jean-Paul II finit par accepter sa retraite vu son âge avancé et sa fatigue due à ses efforts pour la paix, la tolérance et les causes justes. « Qui que nous soyons, essayons de comprendre les douleurs de ceux que torture la faim, les angoisses de la multitude des sans-abri et des sans travail, la détresse de ceux qui souffrent dans leur dignité humaine... il faut retrouver le chemin des cœurs. Nous ne dirons jamais assez que l'amour peut tout sauver... », a-t-il observé. Le cardinal est douloureusement affecté par le terrorisme qui a frappé l'Algérie durant les années 1990. La barbarie n'a pas pour autant amoindri sa volonté de ramener les gens à la raison. « Ma longue fidélité à l'Algérie me fait, aujourd'hui, le devoir d'ouvrir publiquement mon cœur. Au moment où l'angoisse se manifeste avec une horreur toujours croissante dans le pays, triste conséquence d'un débordement effroyable de violence injuste, j'appelle tous les hommes de cœur à travailler avec force et détermination à un renouveau de confiance. L'Algérie ne périra pas », a-t-il affirmé au moment où l'Algérie était prise dans l'étau intégriste. Le cardinal Duval meurt le 30 mai 1996 à l'âge de 93 ans. Il est enterré dans la basilique de Notre-Dame d'Afrique.