A 240 DA le kg, la viande bovine congelée est à la portée de toutes les bourses. D'origine étrangère, provenant notamment d'Amérique latine (Argentine, Uruguay), ce produit de boucherie est, en effet, littéralement pris d'assaut par les ménagères d'autant que la viande locale, fraîche, se négocie à pas moins de 800 DA le kg. Légitime ! estime-t-on dans le milieu « ouvrier », lorsqu'on sait que le menu des familles, au demeurant pauvre en protéines, se limite souvent à des mets à base exlusive de féculents ou de pâtes. « J'achète et advienne que pourra ! Je refuse que mes enfants évoluent avec un rachitisme du à une sous-alimentation », se défend une mère de famille, rencontrée dans un de ces inombrables magasins d'Alger spécialisés dans la vente de viande congelée. Le même son de cloche est entonné au sortir d'une poissonnerie, versée dans les produits de mer congelés, sise à la rue Hassiba Ben Bouali. « Avec mon revenu, il m'est quasiment impossible d'acheter un kilogramme de rouget frais ou une livre de crevettes de chez nous. Il n'y a même pas lieu d'hésiter à se rabattre sur le produit importé dont les prix peuvent aller jusqu'à cinq fois moins cher que les variétés de poisson pêché dans nos eaux. Ce n'est grâce à l'importation que ma famille goûte, à nouveau, au poisson noble », renchérit un retraité qui dit percevoir une rente de 10 000 DA par mois. En revanche, pour d'autres consommateurs, il n'est pas question de « remplir la marmite de produits douteux ». La confiance n'est pas de mise. « Qui peut nous rassurer que nous ne risquons rien en consommant un bout de steak venu du fin fond de l'Argentine et qui doit mettre des mois pour atterrir dans nos assiettes ? », s'interroge, en chœur, un groupe de clients d'une boucherie « classique », située à Bab El Oued. Et d'enchaîner : « Nous préférons de loin une demi-livre de viande fraîche, malgré sa cherté, qu'un kilogramme de “congelé” dont on ignore totalement si sa mise au froid a été scrupuleusement respectée, ou pas, tout au long de son acheminement vers l'Algérie ». Il s'agit de la sacro-sainte « chaîne du froid » qui, si elle est réglementée, n'est pas sans faire l'objet d'un débat houleux, surtout chez les consommateurs. « Une rupture à quelque niveau et le pire est à craindre », ne cesse-t-on de ressasser, allant jusqu'à douter de la bonne foi des opérateurs qui interviennent en amont et en aval dans cette filière. Les moins sceptiques ont tendance, toutefois, à mettre en exergue, les fréquentes pannes d'électricité qui surviennent, notamment, pendant les grandes chaleurs. A supposer que jusqu'à l'étape de déchargement, au niveau des ports, la conservation des viandes importées se fait d'une manière constante et dans les normes, c'est-à-dire entre 0° et 4° C, qui est en mesure de prouver, par contre, que cette marchandise est transportée dans des véhicules adéquats ou encore si le détaillant du coin obéit strictement à la règle ? Et si le courant électrique est coupé chez ce même détaillant ? Dans ce cas, aura-t-il la présence d'esprit (et le sens du civisme) de détruire sa marchandise dans la mesure où celle-ci est altérée ? Ou, au cas contraire, fera-t-il comme si de rien n'était, procédant, loin des yeux indiscrets des autorités, à recongeler sa viande ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre même si la direction de la concurrence et des prix d'Alger affirme veiller au grain.