Le rapport des experts de l'ONU «va conclure de manière accablante» à l'utilisation d'armes chimiques en Syrie, a estimé hier le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon. Sans attribuer directement la responsabilité de cette utilisation au président syrien, il a accusé Bachar Al Assad d'avoir «commis de nombreux crimes contre l'humanité». Il s'est aussi dit «persuadé que les responsables rendraient des comptes quand tout cela sera fini». Le rapport des experts de l'ONU, qui ont enquêté sur place sur les accusations de massacre à l'arme chimique le 21 août près de Damas, est attendu lundi, selon des diplomates. Leur mandat ne prévoit pas qu'ils désignent les responsables de l'utilisation de ces armes. M. Ban a prévu de présenter ce rapport au Conseil de sécurité lundi en fin de matinée. Le secrétaire général de l'ONU, qui s'adressait à des journalistes, a cependant précisé qu'il n'avait pas encore reçu le rapport en tant que tel. «Je pense que le rapport va conclure de manière accablante que des armes chimiques ont été utilisées, même si je ne peux pas le dire publiquement pour l'instant, avant d'avoir reçu ce rapport», a déclaré M. Ban. Les Etats-Unis et leurs alliés accusent le régime syrien d'avoir commis le massacre à l'arme chimique du 21 août, faisant plusieurs centaines de morts. Damas dément toute responsabilité et la Russie a accusé les rebelles syriens d'avoir utilisé des gaz toxiques de façon à faire accuser le régime et à provoquer des frappes occidentales contre Damas. Un rapport décapant C'est dire que l'on assistera sans doute à une féroce bataille diplomatique entre la Russie et les Etats-Unis, dont les ministres des Affaires étrangères se sont réunis, hier à Genève, pour tenter d'arriver à une solution politique. Pendant ce temps, le régime syrien a annoncé sa décision d'adhérer à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques (CIAC), acceptant ainsi de fournir un inventaire de son arsenal dans les trente jours. Mais cette initiative risque de ne pas suffire, surtout si le rapport des experts de l'ONU établissait la responsabilité du régime syrien dans le massacre aux armes chimiques. Le secrétaire d'Etat américain a d'ailleurs donné le la en estimant que «les déclarations du pouvoir syrien ne sont pas suffisantes» et que l'armée américaine «maintient la pression sur le régime syrien». Pour John Kerry, la mise sous tutelle des armes chimiques syriennes doit être «réelle, complète et vérifiable». Et de menacer, à côté de Lavrov, qu'«il devrait y avoir des conséquences si elle n'a pas lieu». Son homologue russe continue, lui, de plaider en faveur de la disqualification de l'option armée après l'exécution du plan en plusieurs points qui sera ponctué par cette éventuelle adhésion à la CIAC. Guerre froide entre Russes et Américains De son côté, la France a estimé, hier, que l'adhésion annoncée par Damas à la Convention d'interdiction des armes chimiques était «insuffisante» et insisté sur la nécessité d'un texte «contraignant» au Conseil de sécurité de l'ONU. «Les annonces du régime syrien, c'est certainement très utile mais très certainement insuffisant», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Philippe Lalliot, qualifiant par ailleurs de «posture et d'imposture» les exigences formulées par Damas en retour de son adhésion à la Convention. Pendant ce temps, Washington et Moscou ont exprimé hier «l'espoir» qu'une avancée sur les armes chimiques de la Syrie favorise la tenue d'une conférence de paix, une vision que ne partage pas du tout l'opposition syrienne. «Nous sommes déterminés à travailler ensemble, à commencer par l'initiative sur les armes chimiques, avec l'espoir que nos efforts seront payants et apporteront paix et stabilité dans cette région tourmentée du monde», a déclaré le secrétaire d'Etat américain John Kerry, au deuxième jour de négociations américano-russes à Genève sur la mise sous contrôle de l'arsenal chimique syrien. Il a précisé avoir convenu avec son homologue russe Sergueï Lavrov d'une nouvelle réunion «à New York autour du 28 septembre», en marge de l'Assemblée générale annuelle de l'ONU, pour essayer de fixer une date pour une conférence de paix sur la Syrie. Mais d'ici là, tout peut changer, surtout après la présentation, lundi, du rapport des experts de l'ONU sur l'usage des armes chimiques, dont Ban Ki-moon a laissé échapper hier quelques effluves qui sentent très mauvais à son goût.