Le président français n'est pas venu pour parler de l'amitié. Il est venu en Algérie défendre les intérêts géostratégiques et économiques de la France. En clair, il est venu proposer un marché “honnête” aux Algériens. Que le tout nouveau président français Nicolas Sarkozy ait consacré sa première sortie hors Europe à l'Algérie flatte quelque part l'ego des Algériens. De surcroît, si l'on vient à décrypter la “préférence” hexagonale avec tout ce qu'elle a entraîné en malentendus entre Rabat et Paris comme un signal fort ou encore l'expression d'une volonté de relancer “une lune de miel” entre l'Elysée et El-Mouradia supposée avoir été enterrée avec l'ère Chirac. Sans se faire trop d'illusions, Alger a quand même rendu la politesse à la capitale française en faisant mine opportunément de mettre le couvercle sur les sujets qui fâchent. Dès lors que Nicolas Sarkozy a montré ostensiblement à Alger qu'il croit en ses chances de réussite à supposer qu'il n'en ait jamais douté. Oui ! Mais quelles chances s'est accordé le nouveau président français pour réussir là où ses prédécesseurs ont échoué ? Manifestement, Sarkozy ne veut pas s'embarrasser des considérations qui ont, depuis un certain temps, empoisonné le climat entre les deux pays et surtout reste déterminé à ne pas s'encombrer d'un héritage chiraquien que la classe politique française dans sa globalité estime volontiers qu'il est le fruit d'une complicité, voire d'une sorte de volontarisme de Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika. Il est vrai que dans le contexte particulier où est intervenue la visite du président français à Alger, les conditions ne sont pas tout à fait réunies pour parler “sérieusement” de la repentance et du traité d'amitié. Et suprême courtoisie, Abdelaziz Bouteflika a laissé à son illustre hôte tout le loisir de baliser à sa manière les futures relations algéro-françaises et de les engager résolument dans le contexte d'une realpolitik même si celle-ci n'est toujours pas indemne du gros soupçon qui pèse sur la volonté de Sarkozy d'inscrire des questions aussi sensibles que la repentance et le traité d'amitié en “pertes et profits”. Certes, Sarkozy est considéré à juste titre comme une vrai machine politique, qui se fixe des objectifs et qui s'y consacre corps et âme, mais il est aussi connu pour son approche “nombriliste” quand il s'agit de regarder vers le sud de l'Europe. Il l'aura d'ailleurs montré quand l'occasion lui fut offerte, par exemple, de parler de la repentance. Et pour cause, le président français “n'est pas venu en Algérie pour s'excuser”. Il n'est pas également venu pour parler de l'amitié. Sarkozy est venu en Algérie défendre les intérêts géostratégiques et économiques de la France. En clair, il est venu proposer un marché honnête aux Algériens. “La France dispose de la technologie nucléaire, alors que l'Algérie commence à penser à l'après-pétrole. D'autre part, nous avons autant besoin de sécuriser nos approvisionnements en gaz pour le futur, que l'Algérie de pouvoir compter sur un accès sûr et garanti au marché français et, au-delà, européen”, déclarait-il avant sa visite à des journaux algériens. Sur ce sujet, l'Elysée et El-Mouradia sont sur la même longueur d'onde autant que sur le sujet de l'amitié franco-algérienne. D'autant mieux que le président Abdelaziz Bouteflika en matière de pragmatisme n'a rien à envier à son homologue français. Selon ce dernier, l'amitié se mesurera en actes concrets. Bouteflika n'en pense pas moins et il attend pour juger sur pièces. Car en matière d'actes concrets, c'est assurément le pays qui en parle le plus qui en produit le moins. Particulièrement sur le terrain économique où la France aura brillé le moins en Algérie. Car jusqu'à maintenant, pour les capitaines d'industrie de l'Hexagone, l'Algérie n'est séduisante que dans les fantastiques opportunités financières qu'elle offre aux entreprises françaises à travers l'ambitieux programme de modernisation de ses infrastructures. Quant au transfert de technologie, d'assistance technique, d'investissements directs, il faudra peut-être attendre que la France dépasse sa profession de foi. Rendez-vous est donc pris pour le mois de novembre. Un rendez-vous qui sonne déjà comme l'heure de vérité des relations franco-algériennes. Car si les Français ont accordé à Nicolas Sarkozy une période de grâce, les Algériens sont en train de faire de même. L'Algérie veut assurément donner toutes ses chances de réussite au pragmatisme du président français en prenant soin de faire la part des choses. Surtout qu'il n'est nullement dans l'intérêt de notre pays de subordonner des perspectives économiques prometteuses à des préalables dont on sait pertinemment que Sarkozy n'en détient pas exclusivement la clé. Faut-il à ce propos rappeler que c'est le parti de Sarkozy, l'UMP, qui a été derrière la loi controversée sur les bienfaits du colonialisme. Ce n'est pas pour autant que l'Algérie a l'intention de renoncer à demander à la France de reconnaître les crimes commis durant la période coloniale. Chaque chose en son temps, dirions-nous. Zahir benmostepha