Le drame survenu samedi au stade du 5 Juillet lors du derby algérois USM Alger-MC Alger et qui a coûté la vie à deux jeunes supporters relance le débat sur la sécurité dans les enceintes sportives. Ce drame n'aurait jamais dû se produire si toutes les mesures de sécurité et précautions d'usage avaient été prises par les gestionnaires de l'Office du complexe olympique Mohamed Boudiaf. Le «paquebot», comme on l'appelle affectueusement, jadis fleuron des infrastructures sportives algériennes, agonise depuis des années dans l'indifférence quasi générale. Fissuré à plusieurs endroits, menaçant ruine dans d'autres, renvoyant l'image d'un château délabré, il n'a jamais préoccupé la conscience des autorités sur les dangers dus à sa vétusté, qu'il faisait peser sur les supporters qui le prenaient d'assaut à chaque rencontre. Aujourd'hui, il s'agit de situer les responsabilités de toutes les parties concernées par la catastrophe qui a eu lieu à la fin du week-end lors de l'affiche de la 5e journée du championnat professionnel de Ligue 1. Ce qui est arrivé samedi soir au stade du 5 Juillet est loin d'être un cas isolé. Pratiquement toutes les enceintes sportives sont placées sous la menace, directe ou indirecte, de ce type de catastrophe. Tout simplement parce qu'elles ne répondent plus aux normes liées à la sécurité des personnes qui se rendent aux stades. Celui du 5 Juillet, dont la construction a débuté durant la décennie 1960 et livré en 1972, a fait son temps, depuis des années. Les désagréments qu'il cause depuis, à l'occasion des grands matchs, aurait dû inciter les responsables du gouvernement à se pencher sérieusement sur son devenir. Il fonctionne depuis plus de 40 ans et n'a subi que quelques toilettages de circonstances, sans plus. Le monstre en béton a encaissé des coups, malheureusement les timides réfections menées à la hussarde pour le «livrer» à la veille d'importants rendez-vous rehaussés par la présence sur place le jour du match de hauts dignitaires du régime a fait que le rapiéçage n'a eu pour simple effet que de cacher autant que possible les hideuses entrailles du vaisseau. Deux jeunes innocents supporters ont laissé leur vie parce que le sol s'est «dérobé» sous leurs pieds au moment où ils empruntaient l'escalier pour quitter la tribune. Il y a quelques années, un accident identique s'est produit au stade du 20 Août au niveau du virage. La tribune s'est ouverte sous les pieds de quelques supporters qui, eux, ont eu la chance de s'accrocher aux parois du trou béant qui donnait sur les anciens vestiaires de la piscine du stade municipal. Après cet accident, la tribune est restée longtemps fermée et n'a été rouverte qu'après des travaux de confortement. Le stade des Annassers, construit dans les années 1930, a fait son temps. L'idéal serait de le raser et de faire «pousser» à la place un nouveau stade ultramoderne avec toutes les commodités qui vont de pair avec une belle architecture. Tous les anciens stades doivent être remplacés par de nouveaux édifices conformes aux normes de sécurité telles que préconisées par la FIFA. Quitte à domicilier les compétitions dans deux ou trois villes disposant d'infrastructures adaptées en attendant que les nouveaux soient terminés. Si par bonheur des inspections dignes de ce nom sont menées sur l'ensemble du territoire national, l'écrasante majorité des stades seront décrétés hors d'usage et non conformes pour abriter des matchs de football. Si l'on se réfère simplement au cahier des charges établi par la FIFA en matière d'homologation des stades, peu de stades algériens de Ligue 1 et 2 pourraient accueillir des matchs de football. Le chapitre sécurité, dada de la FIFA, demeure le talon d'Achille de nos infrastructures. Ces dernières sont la propriété des communes (stade communal) et du ministère de la Jeunesse et des Sports (OPOW) qui, faute de moyens (financiers), ne peuvent souvent ni entretenir ni rénover aux normes ces installations. La vétusté de ces stades combinée au laisser-aller des exécutifs communaux provoquera d'autres catastrophes à l'avenir. Des stades avec une seule porte d'entrée et de sortie par tribune, c'est criminel. Le jour où il y aura une bousculade devant cette porte surviendra la même tragédie qu'à Hillsbrough (en Angleterre) qui a fait plus de 90 morts de la rencontre de la Cup Midlesbrough-Liverpool. La commission de sécurité dans les stades doit prendre ses responsabilités et refuser catégoriquement d'accorder le feu vert pour l'homologation de stades où la vie des citoyens est en danger perpétuel. La prévention est mille fois mieux que le constat. Dans le cahier des charges de la FIFA, il est expressément recommandé l'installation de sièges individuels, l'obligation de disposer de toilettes hommes et femmes avec savon et produits liquides pour désinfecter les lieux, eau chaude, papier hygiénique, électricité – lumière –, plusieurs portes d'entrée et d'évacuation bien signalées, emplacement pour les supporters de l'équipe visiteuse, parking pour véhicules, système de télésurveillance, système de portiques à l'entrée, suppression des grilles et grillages entre le terrain et les tribunes... rien de tout cela n'existe en Algérie. Malgré cela bon an, mal an les stades sont régulièrement homologués... souvent autour d'une table bien garnie... au détriment du confort et de la sécurité des supporters, sans oublier des acteurs du football, à savoir les joueurs et leur encadrement. C'est la triste réalité des stades en Algérie. Les Anglais, à titre d'exemple, lorsqu'ils ont décidé d'éradiquer le hooliganisme dans leurs stades, ont mis les moyens. Rien qu'au chapitre des infrastructures, ils ont construit 19 nouveaux stades en l'espace de 20 ans et rénové plus de 200 tribunes, comme contribution à la lutte contre la violence dans les stades. Aujourd'hui, leurs enceintes sont de véritables havres de paix où règnent le confort et la sécurité des supporters et des joueurs.