La commune de Bourouba est aux antipodes des règles qui régissent l'urbanisme. La plupart des quartiers que compte la commune ont été improvisés, sans aucun plan devant déterminer les espaces à usage commun ou du moins ceux réservés aux édifices publics. L'anarchie urbaine à Bourouba relève du déconcertant. Aucun quartier, lotissement ou cité n'ont été érigés en conformité avec les normes établies. De la gare d'El Harrach, la commune de Bourouba s'amorce par une montée raide et abrupte. C'est à partir du chemin de fer que les premières maisons de la commune apparaissent. Perchés sur un flanc de montagne escarpé, les quartiers de la commune arborent une densité sans égale. Les habitations s'enchevêtrent dans un alignement sinueux et semblent greffées à la montagne. La rue principale montante serpente jusqu'au lieudit Houch Hadda. Elle traverse deux principaux quartiers que sont la Faïence, situé sur le piémont, et la cité PLM qui n'est autre qu'un immense quartier populaire, comme il en existe beaucoup à Bourouba. A la cité PLM, le temps semble s'être arrêté tant les habitants vivent dans un environnement marqué par une précarité qui les a de tout temps contraints à se débrouiller pour vivre. De vieilles cités avec de jeunes habitants Le quartier est entrecoupé par des ruelles transversales qui toutes aboutissent aux abords du quartier Vidal et à Djenane Mabrouk. Le nombre de mansardes et de maisons de fortune dans ces ruelles est hallucinant. Certaines maisons ont gardé un style d'habitation ancestral, avec courette au centre de la bâtisse et des chambres nichées en hauteur. Sur l'allée principale, une dizaine de bâtiments, dont la construction remonte à l'époque coloniale, occupent une bonne partie de l'espace. Ces immeubles, déteints par le temps et ses aléas, abritent un nombre saisissant de familles. La cité grouille d'enfants qui gambadent sous les balcons. D'autres, un peu plus âgés, vaquent à leurs occupations dans un tumulte digne des souks. A la cité PLM, le temps est à la débrouille. Exclus du système scolaire, la plupart des jeunes de la cité travaillent dans le commerce informel. «Nous sommes tous des chômeurs invétérés, mais nous avons appris à gagner notre vie honnêtement», se plaît à dire Abdelkader, un jeune père de famille qui gagne sa vie grâce aux courses qu'il effectue avec son vieux fourgon. D'autres jeunes, moins enclins à la probité, versent dans le recel et la vente de stupéfiants. Que ce soit pour les vendeurs d'effets vestimentaires où ceux des doses de «chira», tous se retrouvent sous le pont des «écuries», dans un lieu appelé communément Delala. Dans cet endroit poussiéreux et accidenté, le négoce prospère. «Je vends de vieux habits que j'ai troqués contre de la vaisselle», raconte un jeune vendeur. Cette activité est ingénieuse. Des jeunes, chargés de gros paniers remplis de vaisselle, sillonnent les cités et les quartiers. Ils font du porte-à-porte et échangent leurs marchandises contre des vêtements usagés qu'ils revendent ensuite dans les «delala» de la commune. A un jet de pierre de la cité PLM, une autre cité aussi tentaculaire frôle en hauteur les pinacles de Bachedjarrah, pour redescendre en cascade jusque dans le vallon, aux frontières du lieudit la Prise d'eau. Cette topographie assez particulière est recouverte d'un tissu urbain digne d'une toile d'araignée. Le quartier est appelé La Montagne. Cette cité, comme son nom l'indique, est bâtie sur une colline raide qui s'étire à certains endroits, pour former quelques versants aplatis par les travaux d'aménagement. La cité est marquée par une intense activité commerciale, on y vend surtout des fruits et légumes. Dans l'allée centrale, les marchands informels ont pignon sur rue. Cette situation est le résultat d'une opération de délogement entreprise par les pouvoirs publics au niveau du marché informel de Bachedjarrah. Les commerçants délogés de cet endroit se sont rabattus tous sur les artères et venelles de la cité La Montagne. «En dépit des promesses faites par les pouvoirs publics quant à notre insertion dans le circuit du commerce formel, nous nous retrouvons aujourd'hui dans la même situation qu'il y a une dizaine d'années, c'est-à-dire des occupants illicites de trottoirs. La seule chose qui a de changé, c'est le lieu», déplorent des commerçants installés depuis l'année dernière à la cité La Montagne. Absence de structures de jeunesse Que ce soit aux cités PLM, la Faïence, d'Urgence, Dessoliers ou Diar El Afia, les jeunes de la commune sont livrés à eux-mêmes. Les structures de loisirs éducatifs pour les soustraire des dangers de la rue n'existent pratiquement pas, «et on s'étonne quand nos jeunes consomment de la drogue et commettent des actes d'agression et d'incivilité», fulmine un habitant de la commune. Et de poursuivre : «Nos jeunes n'ont que les cafés et les ‘‘delala'' pour se retrouver.» A la cité PLM, il existe une maison de jeunes, mais cette dernière n'est pas ouverte aux jeunes, elle est occupée par les éléments de la garde communale. Les jeunes de la commune qui veulent pratiquer des activités culturelles sont contraints de se rabattre sur les structures de jeunesse des communes d'El Harrach, Bachedjarrah ou d'Hussein Dey. Au chef-lieu de la commune, une maison de jeunes a ouvert ces portes, mais ne peut à elle seule répondre à toutes les demandes des jeunes de Bourouba. Les seuls terrains de jeu que les jeunes de Bourouba fréquentent sont des terrains vagues appelés Hassida. Il n'y a ni terrain de football ni centre culturel, encore moins de lieux de distraction. «Ici, les jeunes sont les oubliés des pouvoirs publics», s'emporte un jeune. Cette situation se répercute négativement sur la sécurité au niveau de la commune. Dans les quartiers populaires à forte densité démographique, les actes d'agression, les vols à l'arraché et les vols de voitures sont devenus courants, d'où la nécessité de prendre en charge ces jeunes de ces quartiers chauds.