Ali Benflis a participé hier à la conférence organisée en hommage au défunt Amar Bentoumi. Pressé par les journalistes sur ses intentions pour 2014, il a annoncé «une importante déclaration dans les jours à venir». Costume et cravate noirs, chemise blanche, la démarche sereine, Ali Benflis, candidat à l'élection présidentielle de 2004, a fait hier une entrée des plus remarquées à la conférence organisée par le barreau d'Alger en hommage au défunt bâtonnier Amar Bentoumi. Zoomé par les caméras et les appareils photo de nombreux journalistes présents, l'ancien chef de cabinet de la Présidence (au début des années 2000) fait irruption dans la salle, à dix minutes de son intervention prévue en fin de matinée, sous les ovations de l'assistance. Un couac qui met mal à l'aise de nombreux bâtonniers, mais surtout Mme Pascale Modelski, vice-présidente du Conseil national des barreaux français, qui, à ce moment précis, n'avait pas terminé sa déclaration. Gênée, elle perd ses mots, puis accélère pour quitter le pupitre et céder la place à Ali Benflis. Il se dirige vers la tribune, salue les invités d'honneur étrangers et embrasse le bâtonnier d'Alger, Abdelmadjid Sellini. Il prend le temps de boire un verre d'eau avant d'ajuster le micro et de lire une longue déclaration d'une heure dix minutes, dont certains passages sont lus dans les deux langues, français et arabe, entrecoupée par des applaudissements, avant d'être distribuée à l'assistance. En faisant l'éloge du parcours de feu Bentoumi, l'orateur rappelle sa relation avec lui et, à travers elle son parcours de magistrat, d'avocat, de militant des droits de l'homme et de ministre. «Nous sommes en 1972, jeune procureur général de Constantine, je fus étreint d'une intense émotion quand le grand militant, le brillant avocat, le respecté ministre et valeureux bâtonnier se présenta devant moi à l'occasion d'une visite de courtoisie qu'il me rendit pour les besoins d'une affaire qu'il devait plaider à la cour de Constantine (…). Je ressentis la même émotion quand, en 1974, quittant à ma demande le corps de la magistrature, je rendis, comme le veut l'usage, une visite de courtoisie au bâtonnier pour mon inscription à l'Ordre des avocats.» D'autres phrases, lues et relues dans les deux langues, laissent transparaître des messages à peine voilés : «A l'instar de nos aînés qui nous ont montré la voie du dévouement au service de notre pays, tu t'es tout au long de ta vie échiné à rechercher les solutions et à proposer des portes de sortie chaque fois que l'Algérie s'est retrouvée à la croisée des chemins et qu'elle s'est interrogée sur son avenir et son devenir. Aujourd'hui plus que jamais, ton exemple nous inspire et, plus qu'à tout moment, je ressens en cette étape particulière de la vie de la nation le poids de la responsabilité que ton souvenir m'impose.» Mieux, l'ancien chef de gouvernement du début des années 2000 conclut avec ce passage assez révélateur : «Repose en paix, cher Amar, parce que tu sais que ce combat pour le triomphe des idéaux de la justice, nous sommes très nombreux à avoir décidé de le mener jusqu'au bout de notre énergie, jusqu'au jour voulu par Allah où nous te rejoindrons j'espère avec le sentiment du devoir accompli.» Pour certains, Ali Benflis vient d'annoncer, entre les lignes, son retour à la vie politique ou plutôt au combat, dit-il : «Pour que soit banni ce sentiment d'injustice et de frustration qui, malheureusement, hante l'esprit de beaucoup de nos concitoyens qui ont hâte de renouer avec l'espoir et sont plus que jamais avides de croiser le chemin de l'espérance.» Sous les ovations de l'assistance, il quitte la tribune après quelques minutes de prises de photos de presse et d'images pour les chaînes de télévision étrangères. Assailli par les journalistes, il a du mal à se frayer un chemin. Il refuse de parler de la prochaine élection présidentielle ni de l'opportunité de sa présence à l'hommage rendu à maître Amar Bentoumi, après un silence radio qui a duré presque dix années, sachant qu'à cette conférence, le barreau avait invité également Tayeb Louh, ministre de la Justice, et Cherif Abbès, ministre des Moudjahidine, mais ils étaient absents. En effet, depuis sa mauvaise expérience de l'élection présidentielle de 2004, Ali Benflis avait disparu une décennie. Après avoir refusé catégoriquement de s'expliquer sous prétexte que «ce n'est ni l'endroit ni le moment pour faire une quelconque déclaration», il finit par lâcher : «Dans les prochains jours, je vous ferai une importante déclaration…» Le message est bien reçu. Implicitement, Ali Benflis vient d'annoncer son retour, à six mois de l'élection présidentielle. Pour ceux qui l'entourent, il pourrait annoncer sa candidature à la magistrature suprême, parce qu'il est prêt… Sommes-nous déjà dans la campagne électorale ? Probablement et les semaines à venir seront certainement très riches.